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des catholiques irlandais. C’était ce qui avait rempli les dernières années de son fils, mort secrétaire du comte Fitzwilliam, le nouveau lord lieutenant de l’Irlande. Nous avons, des premiers mois de 1795, deux lettres que Burke publia sur cet important sujet, l’une à William Smith, membre du parlement irlandais, l’autre à sir Hercules Langrishe. Il y rattache l’intérêt des catholiques à la guerre qu’il fait aux jacobins. — La religion n’a pas de plus grands ennemis. Ils la poursuivent sous toutes ses formes, dans toutes les sectes. Contre eux, toutes les religions sont solidaires; toutes en effet reposent sur la tradition, sur les souvenirs de famille, sur le respect des aïeux. Il faut donc les défendre contre les ennemis de toutes ces choses, et ne pas travailler pour eux en opprimant le catholicisme, qui est en Irlande, comme le presbytérianisme en Écosse, la meilleure barrière contre le jacobinisme. — Ces raisonnemens ont leur force, mais ils sont purement politiques, et n’indiquent pas un fidèle vivement attaché aux articles spéciaux de sa croyance. En tout temps, dans tous ses écrits, Burke, quoiqu’il tînt à la foi chrétienne assez pour confondre sous le nom d’athées tous ceux qui s’en écartent, ne paraît pas avoir eu en matière de dogmes une préférence raisonnée ni même une connaissance approfondie. Il semble regarder ces différences comme de pures questions de controverse ou comme des accidens de la nationalité. Le protestantisme anglican est sacré pour lui, mais pas beaucoup plus que toutes les institutions à l’ombre desquelles a vécu et grandi son pays. Il est protestant comme il est Anglais; je dirais presque qu’il est chrétien comme il est européen. Aussi tout esprit de prosélytisme lui est-il étranger, tout fanatisme lui paraît-il odieux, excepté quand la religion lui semble attaquée comme garantie sociale. Son louable zèle pour tout ce qui fait l’honneur et la force des sociétés humaines peut s’exalter alors au point de prendre quelques traits du fanatisme. Toutefois rien dans ces sentimens ne pouvait le rendre accessible aux haineux préjugés qui si longtemps ont opprimé l’Irlande, et qui même ont fini par pervertir son sens politique à force de l’opprimer. Il y avait une puissance à laquelle il accusait M. Pitt de trop sacrifier, et qu’il appelait le job. C’est quelque chose comme l’agiotage, ou l’intrigue appliquée aux affaires publiques dans un intérêt de lucre. Il s’en prenait au job du crédit de la compagnie des Indes et de toutes les iniquités que ce crédit protégeait. C’était le job encore qui, suivant lui, exploitait l’Irlande et l’opprimait pour l’exploiter. C’est à ses détestables calculs qu’il imputait le système de vexation qui avait « poussé le catholicisme à un jacobinisme contre nature, pour accroître le pouvoir de la junte perverse et folle à laquelle l’Irlande était livrée comme une ferme. » — « L’opposition jacobine, écrivait-il au docteur Laurence, s’empare de cela pour exciter la sédition en Irlande, et