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héréditaires, assujettie, dans la vaste province des Preangers, premier apanage de la compagnie, à la culture forcée du café, la population javanaise se dégoûta des travaux agricoles. Aussi la dernière moitié du XVIIIe siècle fut-elle une époque de décadence pour la prospérité de Java et pour les finances de la compagnie. On peut croire cependant que, s’ils n’eussent possédé que l’île de Java, les négocians hollandais, malgré les fautes qu’ils avaient commises, auraient encore trouvé, dans les inépuisables ressources de ce sol fécond et de cette population laborieuse, le moyen de faire face à leurs embarras pécuniaires ; mais les plus grandes entreprises ont leur fatalité, et celle de la compagnie des Indes, basée sur de fausses doctrines économiques, était condamnée à un développement illimité. Le commerce des épices, dont la compagnie voulait s’arroger le monopole, devait la conduire inévitablement à étendre sa suprématie sur la plupart des îles de l’archipel indien. De cette prétention, conforme aux préjugés de l’époque, naquirent de longues guerres, des occupations dispendieuses, une domination politique dont les bénéfices du commerce se trouvèrent impuissans à solder les frais. C’est cependant à ce principe erroné, qui précipita la ruine de la compagnie, que la génération actuelle doit le magnifique héritage sans lequel, avec ses 3 millions d’habitans et son territoire à peine égal à celui de cinq départemens français, le royaume des Pays-Bas n’aurait guère plus d’importance en Europe que la Suisse ou qu’un des états secondaires de l’Allemagne. Les droits incontestés de la Hollande sur les immenses territoires de Célèbes, de Sumatra et de Bornéo sont le fruit d’une politique condamnée à juste titre par le philosophe et par l’homme d’état, mais presque légitimée aujourd’hui par ses admirables conséquences. Il importe donc d’indiquer ici rapidement par quel enchaînement de circonstances ces trois grandes îles, dont les princes malais ou les aventuriers arabes avaient successivement conquis le littoral, se trouvèrent bientôt enveloppées dans la sphère d’influence dont le centre s’était fixé à Batavia.

La partie septentrionale de l’île Célèbes reconnaissait la suzeraineté du sultan de Ternate; elle accepta sans résistance la domination de la compagnie, dès que la compagnie fut maîtresse aux Moluques. Le sud de l’île était divisé en deux états principaux : le royaume de Goa ou de Macassar, qui, depuis sa conversion à l’islamisme, était considéré comme le plus puissant gouvernement de la Malaisie, et le royaume de Boni, dont les sujets, sous le nom de Bouguis, sont encore aujourd’hui les plus intrépides navigateurs de l’archipel. Avec l’aide des Bouguis, la compagnie humilia le pouvoir du roi de Goa, et lui imposa un de ces traités d’alliance par lesquels elle préludait à une domination plus absolue : elle fonda, non loin de la capitale de ce sultan