Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/603

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sociale. Ce qui est au pouvoir des gouvernemens, c’est de multiplier les efforts pour rendre exacte et sûre l’administration de la justice ordinaire. Sous ce rapport, le gouvernement paraît s’occuper d’un des plus importans objets sur lesquels il puisse fixer son attention : c’est la réforme du jury. On ne saurait méconnaître que cette sérieuse et difficile question se trouve débarrassée d’un de ses élémens les plus délicats, aujourd’hui que les délits de presse rentrent dans la juridiction des tribunaux ordinaires, et que les crimes politiques sont déférés, en vertu de la constitution même, à un tribunal spécial. La distraction de ces deux ordres de causes de la juridiction du jury a du moins l’avantage de placer le gouvernement à l’abri des soupçons, qu’on a souvent fait peser sur lui autrefois, de vouloir fausser cette grande institution. Le but politique s’efface ; ce qui reste, c’est l’intérêt unique d’une sérieuse et impartiale justice, et c’est sans nul doute à ce point de vue que la commission chargée d’élaborer la loi nouvelle étudie cette question. Au fond, dans cette grave et délicate réforme, il y a, il nous semble, deux points essentiels. D’un côté, l’institution du jury est aujourd’hui profondément enracinée dans les mœurs; elle est environnée de la confiance publique, ce qui est la plus grande chose dans une matière de ce genre. D’un autre côté, il est trop certain qu’il y a eu parfois des arrêts dont l’étrangeté n’a point laissé de causer quelque surprise. Ce qu’on en peut dire de mieux, c’est qu’ils n’ont en rien porté atteinte à l’institution. Elle reste donc entière, sujette sans doute à des modifications dans son mécanisme, mais non dans son essence, dans son principe. Les réformes qui se préparent aujourd’hui semblent devoir porter principalement sur la composition des listes et sur le chiffre de la majorité d’après laquelle sont rendus les jugemens. Quant au premier point, il devrait être formé désormais, par les soins du préfet, du sous-préfet de l’arrondissement et du juge de paix du canton, une liste distincte de la liste électorale. Il est bien difficile en effet d’admettre que cette dernière présente des garanties suffisantes. Après tout, le bon sens même ne suffit pas pour rendre un jugement. Il faut, pour prononcer sur la vie, l’honneur, les biens de ses concitoyens, des conditions de capacité, d’instruction même, qu’on ne remplit pas par cela seul qu’on est électeur en vertu du suffrage universel. Quant à la fixation du chiffre de la majorité, c’est là évidemment la question la plus délicate, d’autant plus délicate qu’elle met en présence l’intérêt de la société, qui souffre de l’absolution d’un coupable, et l’intérêt de l’innocent, dont le sort est livré à un léger déplacement de voix. Tout se réunit donc pour faire de cette réforme l’objet de la plus attentive et de la plus sérieuse étude. Il s’élaborerait en même temps, assure-t-on, une autre loi qui tendrait à restreindre la longueur des mises en prévention, souvent fort abusive comme on sait. Ces divers projets seront probablement soumis au corps législatif dans la session annuelle qui va s’ouvrir, en vertu d’un récent décret, le 14 février. Alors se représenteront sans doute ces questions et d’autres encore non moins importantes, telles que le budget. Nous ne savons si le corps législatif sera saisi cette fois de cette loi sur l’instruction publique dont on avait un moment parlé l’an dernier. Certes il n’est point de domaine où il y ait plus à faire que celui de l’instruction publique, et il n’en est pas aussi où il soit plus utile de marcher avec une prudence intelligente et éclairée.

Tout ce qui tend à transformer l’instruction publique touche à l’état intel-