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journellement on nous en donne, ce régime a son côté triste et ses abus, nous en convenons. Ainsi que bien d’autres, nous aimerions à voir cette glorieuse terre rendue à son indépendance, et plus d’une fois notre cœur a saigné à entendre le sabre des Croates retentir sur l’antique dalle de Saint-Marc ; mais était-ce la fin de cet abaissement que devait amener le triomphe de Mazzini ? Les Autrichiens repoussés au-delà de Vérone, au-delà des Alpes tyroliennes, aurait-on eu l’indépendance nationale ? — Interrogez là-dessus ceux qui ont pris à cette guerre une part mémorable, les officiers piémontais tous les premiers, et vous verrez ce qu’ils vous répondront.

En écrasant la révolution en Italie, l’armée autrichienne combattait pour la cause de l’ordre européen, et c’est à ce titre qu’elle a mérité tant de sympathies. Qu’il y eût ensuite à ses yeux dans la question sociale une question politique, personne n’en saurait douter. Un grand empire ne se laisse point ainsi démembrer sans coup férir ; mais, je le répète, c’est là une question qui regarde les traités, et ceux qui ne pardonnent point à l’Autriche d’avoir maintenu par la force ses droits sur l’Italie n’ont qu’à refaire la carte de l’Europe. Quant à nous, il nous plaît mieux de nous placer à un point de vue plus élevé et de voir dans cette guerre moins l’Italie en cause que la révolution, rendant de la sorte à chacun ce qui lui appartient : à la nationalité italienne les regrets que mérite une généreuse entreprise indéfiniment et fatalement ajournée, à l’armée autrichienne ce tribut d’éloges et d’admiration que réclame un exemple d’héroïque initiative qui, dans les temps d’universel abattement où il fut donné, eut pour conséquence immédiate de relever le moral de l’Europe.

C’est l’histoire de cette guerre qu’un des principaux lieutenans du maréchal Radetzky vient de publier en deux volumes auxquels je ne reprocherai qu’une chose, la modestie du titre. Souvenirs d’un Vétéran des campagnes d’Autriche en 1848 et 1849, n’est-ce pas trop peu dire, quand on écrit de véritables annales ? La campagne d’Italie, qui déjà dans M. de Zedlitz avait eu son poète, et son conteur humoristique dans M. Hackländer, l’amusant et spirituel auteur du si renommé Soldatenleben, nous semble avoir trouvé cette fois un historien digne d’elle. Quel est cet écrivain, tout le monde le sait aujourd’hui, et nous serions les seuls à ne le pas nommer. Soldat et diplomate, de plus l’un des écrivains militaires les plus habiles de son temps, le général comte Schoenhals réunissait tous les titres pour rédiger l’histoire d’une guerre à laquelle il a pris une part si brillante. Dans son gouvernement de Milan, alors qu’il administrait encore le pays sous les ordres de l’archiduc vice-roi, Radetzky avait avec lui deux aides-de-camp intimes, Hess et Schoenhals, deux noms tellement inséparables, qu’en Autriche on ne les prononce guère l’un