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reconnut tous les avantages de la position qu’avaient choisie les princes balinais. Un combat acharné s’engagea entre les Hollandais et les insulaires, retranchés au milieu de ravins presque inaccessibles. Les Hollandais durent enfin céder au nombre, surtout à la fatigue et à la soif dévorante qu’on n’avait aucun moyen d’étancher. L’armée hollandaise comptait deux cent quarante-six morts ou blessés, dont quatorze officiers européens, quand le général Van der Wyck donna le signal de la retraite.

M. de Rochussen soutint avec fermeté ce fâcheux revers, et sa contenance assurée en atténua l’effet. La saison était trop avancée pour qu’il pût donner immédiatement le signal d’une troisième campagne; mais il en commença, sans perdre un instant, les préparatifs. Les Javanais savaient déjà que les Hollandais n’étaient point invincibles. Plus d’une fois, sous leurs yeux, les habitans des provinces de Kedou et de Djokjokarta avaient surpris et dispersé les troupes envoyées contre Dipo-Negoro. Ce qu’ils n’avaient jamais vu, c’était un échec qui eût découragé la Hollande; voilà ce qu’il importait de ne point leur montrer.

L’armée des Indes se composait de seize mille hommes environ, parmi lesquels on ne comptait que quatre mille Européens. Dans les circonstances ordinaires, sept mille hommes gardaient l’île de Java; six mille étaient employés à contenir les populations turbulentes de Sumatra et de Banca; le reste de l’armée était dispersé dans les autres possessions de l’archipel. En présence des complications que pouvaient amener les révolutions européennes de 1848, ces troupes étaient à peine suffisantes pour assurer la sécurité du vaste territoire qu’elles étaient chargées de défendre. Aussi, à la première nouvelle de l’échec de Bali, le gouvernement hollandais avait-il fait partir des renforts considérables pour les Indes. Vers la fin du mois de février 1849, une flotte de soixante voiles et de sept navires à vapeur, réunie à Batavia et à Samarang, était prête à conduire sur la côte de Bleling cinq mille soldats, trois cents coulis affectés au transport des vivres et des munitions, deux obusiers, huit mortiers et deux batteries de campagne; il ne restait plus qu’à faire choix d’un général. L’armée des Indes ne manquait pas de braves officiers. Trente-trois années de guerre avaient fondé plus d’une renommée éclatante. Il en était une cependant devant laquelle toutes les autres semblaient disposées à s’incliner, et à laquelle l’opinion publique déférait d’avance le commandement. Le général Michiels était arrivé à Batavia en 1816. Depuis cette époque, il avait pris part à tous les combats qui s’étaient livrés dans les Indes, et avait conquis ses grades l’un après l’autre sur le champ de bataille. La guerre de Java l’avait fait major; celle de Sumatra le fit général. Ce fut sur ce dernier théâtre que grandit sa réputation. Pendant plus de quinze ans, il avait à peine connu