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saturnales cette guerre au début si noble avait dégénéré, et comment, le Piémont s’étant retiré de la scène, la république d’abord, puis le communisme, avaient fini par prendre la place de l’indépendance de l’Italie, — il suffit pour s’en convaincre de voir se dérouler ces tristes annales. Chaque province, chaque bourg se gouvernait à sa guise, et dans le chaos qui régnait, impossible à un général de calculer le plus ou moins de résistance que telle ou telle ville allait opposer à ses armes. On croyait occuper, on avait à dresser un siège en règle. Ce fut aussi ce qui nous arriva devant Rome : à l’approche des corps d’armée de d’Aspre et de Wimpffen, les bandes mazzinistes débusquées de la Romagne et de la Toscane refluèrent vers la ville, ce qui, pour un moment, augmenta les forces de l’éphémère république, tellement que les troupes avec lesquelles la France paraissait sur le terrain se trouvèrent d’abord insuffisantes. Avant que les renforts arrivassent, Mazzini et les siens eurent le temps de s’organiser et de se fortifier si bien, que, le combat traînant en longueur, il fallut finalement en venir à un siège.

Brescia, Livourne et Bologne furent les derniers épisodes de cette sanglante et inutile campagne de 1849, qui mit fin à la révolution si imprudemment galvanisée par la dénonciation de l’armistice. À vrai dire, le mouvement italien avait joué sa dernière partie dans la plaine de Novare. Une fois l’armée piémontaise vaincue, tout ce que cette cause, même chimérique, renfermait d’élevé, de saint, de magnanime, disparaît, et désormais il ne reste debout que les forces de l’insurrection que Charles-Albert avait un moment tirées du chaos pour s’en faire un auxiliaire, hydre partout écrasée et partout renaissante, et qui semblait défier les baïonnettes combinées de la France et de l’Autriche. Vainement Rome tenait encore : en Italie comme dans toute l’Europe, la crise touchait à son terme, et d’avance était prévu le dénoûment. Au mois d’avril 1849, l’Autriche était rentrée en pleine possession de la Lombardie, et du sein du Milanais reconquis le maréchal Radetzky préparait la soumission de Venise, dont, tant de travaux et de vicissitudes l’avaient empêché jusque-là de s’occuper sérieusement.

Venise donc menacée sans espoir de secours, le Piémont réduit à demander la paix, Gênes contrainte à l’obéissance, en Toscane la république culbutée avant de naître, Rome en proie à l’anarchie, la Sicile engagée avec le roi de Naples dans une lutte impossible, tel était au printemps de 1849 le tableau de la péninsule, tel était l’abîme de désolation où Mazzini et ses complices avaient précipité l’Italie. Cependant, qu’on ne s’y trompe pas, Mazzini, s’il exploita miraculeusement cette situation, ne la créa point. Son grand art fut de se trouver prêt à heure dite. On ne le répétera jamais assez, ceux qui