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ou qu’elle n’accordât aux compagnies des bénéfices exagérés ? Mais, dans de si graves conjonctures, le gouvernement n’est-il pas intéressé lui-même, plus que personne, à organiser l’entreprise sur les bases les plus solides et avec la plus stricte économie ? Comment supposer que son choix ne portera pas de préférence sur la compagnie qui présentera les meilleures conditions de crédit et d’habileté ? Lors même qu’il ne demeurerait pas assujetti au contrôle du pouvoir législatif pour le vote des subventions, il n’irait pas follement se compromettre par une concession irréfléchie, et l’on reconnaîtra que la responsabilité des ministres qui gouvernent est pour le public une garantie plus sûre que l’aveugle décision d’une enchère. Admettons cependant que les concessionnaires aient obtenu un contrat qui leur permette de réaliser, pendant un temps donné, des bénéfices exceptionnels. Ce résultat nous paraîtrait, après tout, peu regrettable. Il n’est pas inutile que les capitalistes qui traitent avec l’état pour l’accomplissement d’un service public soient satisfaits de leur opération : le gouvernement se ménage ainsi, pour l’avenir, leur concours et en quelque sorte leur clientèle, et de plus il acquiert le droit de réclamer, soit à l’expiration du bail, soit même durant le cours du contrat, des modifications favorables à l’industrie et au commerce. Par exemple, la Compagnie Péninsulaire et Orientale, dont la situation financière est si florissante, s’est toujours montrée disposée à étendre ou à multiplier ses lignes de paquebots lorsque le gouvernement anglais en a exprimé le désir ; elle ne marchande pas avec l’échiquier, qui n’a pas marchandé avec elle, et l’administration qui la dirige avec tant d’habileté comprend que son premier devoir est de servir largement le public, qui la rétribue largement. Cette entente cordiale, qui existe entre les compagnies et l’état et qui efface en certains cas les restrictions du cahier des charges pour y substituer une interprétation libérale également avantageuse aux deux parties, n’est-elle pas mille fois préférable aux luttes de chaque jour, aux arguties, aux chicanes que provoquerait à coup sûr une compagnie pauvrement dotée, besoigneuse, obligée de se retrancher derrière tous les faux-fuyans pour échapper à la ruine ? C’est de ce point de vue élevé que l’on doit envisager la question. Si l’on se laissait encore aveugler par les sentimens de jalousie mesquine, qui, en France plus qu’ailleurs, s’attaquent aux bénéfices recueillis par les compagnies, si, au lieu de se réjouir à la vue d’un capital amplement rémunéré, on s’obstinait à considérer les dividendes distribués aux actionnaires comme un gain illicite extorqué aux dépens de l’état, il faudrait renoncer absolument aux grandes entreprises. Le gouvernement, on le répète, est seul en mesure de tenir compte de ces considérations par le choix direct des capitalistes auxquels doivent être confiés les services maritimes.

On est généralement d’accord sur la désignation des lignes à établir entre la France et les pays transatlantiques. Les points de destination sont indiqués par la nature même et l’importance des relations politiques ou commerciales que nous entretenons avec les différentes zones du littoral américain. Ce sont : 1° les États-Unis, 2° les Antilles et le golfe du Mexique, 3° le Brésil et les rives du Rio de la Plata. Dans les mers d’Asie, où nos intérêts sont malheureusement presque nuls et que sillonnent d’ailleurs avec tant de succès les steamers de la Compagnie Péninsulaire et Orientale, nous n’avons point