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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/762

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Adeline Protat.

I. — Le désigneux.

Chaque année, au retour de la belle saison, les peintres paysagistes s’abattent par essaims dans les environs de Fontainebleau. Le village de Barbizon, qui avoisine une des plus remarquables parties de la forêt connue sous le nom de Bas-Bréau, demeura longtemps le séjour favori des artistes, et leur présence annuelle dans ce pays a été une source de fortune pour deux ou trois aubergistes qui s’y étaient établis. L’une de ces hôtelleries est même comprise parmi les curiosités que les itinéraires désignent aux voyageurs, et ceux-ci ne manquent pas d’aller visiter son réfectoire, où beaucoup de peintres illustres ont laissé sur les murailles une trace de leur passage et formé ainsi une espèce de musée qui est une véritable richesse pour le propriétaire. Mais depuis quelque temps, Barbizon et Chailly ont trouvé des concurrens dans deux ou trois villages situés à l’extrémité de la forêt, sur des points où elle renferme des sites moins parcourus, et par conséquent moins exploités. Les nouvelles résidences préférées aujourd’hui par les colonies d’artistes nomades sont Bourron, Montigny, Marlotte et Recloses, bâti à pic sur un rocher élevé, duquel on découvre une immense étendue de pays.

Vers le milieu du mois d’août, à l’heure la plus chaude d’une brûlante journée de moisson, un jeune homme que la voiture qui fait le service entre Fontainebleau et Nemours venait de déposer au bas de la montagne de Bourron s’engagea, après avoir traversé ce village, dans le chemin rural qui relie Bourron à Montigny. Le voyageur semblait accablé par la chaleur suffocante qui tombait du ciel incendié ; la sueur ruisselait de son visage, et avait pénétré le feutre de son