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sur toute la surface de la Lombardie, et viennent ajouter leurs dures conditions aux froissemens légitimes de l’instinct national. Il reste à souhaiter que l’Autriche, use avec modération d’une victoire facile sur la plus insensée des tentatives, mais d’après l’incessant travail des sectes démagogiques, on peut voir si c’est encore le moment pour la société européenne de se créer des périls de fantaisie. Cette étrange et lumineuse révélation vient à point pour les gouvernemens qui seraient tentés de se laisser aller à la politique des arméniens capricieux et des expectatives hostiles. En Angleterre même, il est douteux que les principaux hommes d’état conservent les mêmes sentimens qu’à l’époque des tournées provocatrices de lord Minto en Italie.

Les récentes affaires de Milan seront très probablement l’objet de quelque discussion en Angleterre. Le parlement vient en effet de se rouvrir et de rendre quelque animation à la vie politique, qui n’avait été variée, dans ces derniers temps, que par l’excentrique gageure de M. Cobden. Dès les premières séances du parlement, lord John Russell est venu faire une sorte de nouveau programme ; mais il est singulier de voir comme tous les programmes se débarrassent successivement de leurs promesses. Des divers projets qui avaient été annoncés au début de l’administration nouvelle, la plupart, et la réforme électorale notamment, sont renvoyés à l’année prochaine, et d’ici là, le mot de la fable de La Fontaine peut à coup sûr trouver sa réalisation. Au fond, plus on examine, plus on sent qu’il y a dans le cabinet actuel, si considérable et si brillant par les hommes, quelque chose qui doit empêcher sa durée et le faire tomber quelque jour, au moment le plus imprévu, en dissolution. Les élémens d’opposition ne manquent pas ; les occasions ne feront pas défaut, et la division des partis pourra, bien faire le reste. En attendant, les chefs du parti tory, lord Derby dans la chambre des lords, et M. Disraeli dans les communes, préparent leur campagne. Le ministère écarte bien le plus qu’il peut les débats dangereux ; mais, avant ou après les vacances de Pâques, il faudra bien que la discussion des grandes questions ait son jour, et alors peut-être pourra-t-on mieux voir quel fonds il faut faire sur la destinée du cabinet actuel.

Les affaires de France n’ont pas cessé d’occuper vivement l’Allemagne. À peine avait-on épuisé la question de la reconnaissance de l’empire, que celle du mariage de l’empereur est venue ranimer la polémique. En Prusse, le parti qui a dépensé tant d’activité pour retarder la reconnaissance du nouvel empereur ne pouvait, sans inconséquence, applaudir à un acte si contraire aux idées reçues parmi les théoriciens de la monarchie historique. Si les fervens apôtres du parti féodal ont voulu rester fidèles à leurs immuables principes, les organes semi-officiels du ministère prussien ont persévéré dans les sentimens de conciliation qu’ils ont jusqu’à ce jour témoignés pour le second empire français. Leur langage est d’autant plus à remarquer, que l’opinion l’attribue en grande partie à M. Quehl, membre de la seconde chambre, employé supérieur du ministère des affaires étrangères et généralement regardé à Berlin comme le confident de M. de Manteuffel. On peut donc, à bon droit, voir dans les articles favorables à la France impériale l’expression de la pensée du gouvernement. Le désir de M. de Manteuffel est évidemment