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les mouvemens, quand ils sont naturels, peuvent suffire à l’éloquence, et, sans accepter les exagérations ridiculement exprimées que les éditeurs ont eu le tort de mettre en tête du volume, nous pensons que l’église de France doit se féliciter d’avoir entendu le père Ventura. Elle n’oubliera ni l’hommage qu’il lui a rendu, ni les exemples qu’il lui a donnés.

Mais c’est un livre qui est devant nous. Ce recueil de neuf conférences prêchées à Paris en 1851, dans l’église de l’Assomption, a pour titre : la Raison philosophique et la Raison catholique. Oublions l’éloquence et ne voyons plus que la doctrine. Séparons de la foi du prêtre les systèmes de l’écrivain ; ceux-ci nous regardent seuls. Les dogmes sont sacrés, qu’ils restent inviolables ; mais la manière de les établir ne l’est pas, et celle du père Ventura diffère assez des méthodes jadis préférées dans l’église pour que nous puissions, entre lui et nous, séculariser le débat et discuter librement, sans craindre de paraître un moment discuter la religion même.

Ce dernier ouvrage n’est pas son coup d’essai. Sa doctrine était connue par un livre publié en 1828, de Methodo philosophandi. Je me souviens de l’avoir lu, il y a plus de vingt ans. Il me parut une tentative de conciliation entre la théologie dogmatique et la doctrine de M. de Lamennais, qui exerçait alors sur une portion très intelligente du clergé une influence si funeste, et dont les erreurs, encore qu’un peu dissimulées, continuent d’y faire école, même aujourd’hui que l’éloquent écrivain les a échangées contre des erreurs nouvelles. Je viens de relire cet ouvrage, peu destiné à devenir populaire, et il convient d’en déterminer exactement le caractère avant de rendre compte du nouveau livre du même auteur. Nous connaîtrons mieux la route que son esprit a suivie, nous verrons mieux s’il marche ou s’il s’arrête ; nous saurons ce qu’il a appris des vingt ans qui viennent de s’écouler.

Il faut se reporter en 1828. L’impiété fait chaque jour des progrès ; tel était le point de fait d’où l’on partait alors. Elle prend, à l’égard de la vérité divine, tantôt les formes de la haine, tantôt celles de l’indifférence ; mais quelle est la cause de ses progrès ? Les passions, l’ignorance, les sciences ? Non, la méthode adoptée en philosophie. La bonne ou mauvaise philosophie est de peu de conséquence pour la religion ; la bonne même ne sert pas à connaître la vérité, mais seulement à donner de la vérité connue une notion scientifique. Une mauvaise méthode, au contraire, peut conduire à méconnaître la vérité même et à détruire la foi dans ce que l’on sait. Or, en examinant la présente méthode de la philosophie, on trouve qu’elle est de tout point contraire à la sagesse chrétienne ; cela suffit pour expliquer l’impiété du siècle. Considérez-vous en effet la méthode en elle-même ou dans son