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est de 25 hectolitres de froment ou d’un peu moins de 4 quarters par acre ; c’est bien plus du double en quantité et trois fois autant en valeur vénale. Cette supériorité n’est certes pas due, comme on peut le supposer pour les prairies naturelles et artificielles, pour les racines, et jusqu’à un certain point pour l’avoine et l’orge, à la nature du sol et du climat, mais à la supériorité de la culture, qui se manifeste surtout par la réduction du sol emblavé à l’étendue qu’il est possible de bien mettre en état. Quant au maïs et au sarrasin, au lieu d’être des causes d’infériorité, ils devraient être des richesses, car ces deux grains sont doués par la nature d’une bien plus grande puissance de reproduction que les deux autres, et ce qu’on en retire chez nous sur quelques points montre ce qu’on pourrait en retirer ailleurs.

L’Ecosse et l’Irlande sont comprises dans ces chiffres. Si l’on se borne à la seule Angleterre, on arrive à des résultats bien plus frappans. Ce petit pays, qui n’est pas plus grand qu’un quart de la France, produit à lui seul 38 millions d’hectolitres de froment, 16 d’orge et 34 d’avoine. Si la France produisait proportionnellement autant, elle récolterait, semence déduite, 150 millions d’hectolitres de froment, et 200 d’orge, d’avoine ou d’autres grains, c’est-à-dire le double au moins de sa production actuelle. C’est, comme on voit, la même proportion que pour les produits animaux ; les uns sont la conséquence des autres, et nous devrions obtenir beaucoup plus d’après la nature de notre sol et de notre climat, plus favorables aux céréales que le sol et le climat anglais. Ainsi se vérifie par les faits cette loi agronomique — que, pour recueillir beaucoup de céréales, il vaut mieux réduire qu’étendre la surface emblavée, et qu’en consacrant la plus grande place aux cultures fourragères, on n’obtient pas seulement un plus grand produit en viande, lait et laine, mais encore un plus grand produit en blé. La France atteindra les mêmes effets quand elle aura couvert de racines et de fourrages ses immenses jachères, et réduit de plusieurs millions d’hectares sa sole de céréales.

Voilà toute la culture anglaise. Rien n’est plus simple. Beaucoup de prairies soit naturelles, soit artificielles, pour la plupart utilisées par le pâturage ; deux racines, la pomme de terre et le turneps ; deux céréales de printemps, l’orge et l’avoine, et une céréale d’hiver, le froment ; toutes ces plantes enchaînées entre elles par un assolement alterne, c’est-à-dire par l’intercalation régulière des céréales dites récoltes blanches, white crops, avec les plantes fourragères dites récoltes vertes, green crops, et débutant par des racines ou plantes sarclées pour finir par le froment ; — c’est tout. Les Anglais ont écarté toutes les autres cultures, comme la betterave à sucre, le tabac, les oléagineux, les fruits, les unes parce que leur climat s’y oppose, les autres parce qu’ils les ont trouvées trop épuisantes, et qu’ils n’aiment