Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/936

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et avec la réduction de 20 pour 100 :


fr. par hectare
Rente 60
Bénéfice 32
Impôt 20
Frais 40
Salaires 48
Total 200 fr.

Toutes les parties prenantes, sauf le salaire, avaient donc une part plus grande en Angleterre qu’en France ; même en réduisant tous les prix, la rente était double, le bénéfice plus que triple, l’impôt quadruple ; le salaire lui-même, quoique égal ou à peu près en quantité absolue, était relativement un peu plus élevé. Le reste du royaume-uni offrait des résultats moins satisfaisans, mais presque toujours supérieurs aux nôtres.

Tels sont les faits, ou du moins tels ils étaient il y a cinq ans. J’examinerai plus tard quels sont les changemens survenus depuis, soit en France soit dans le royaume-uni ; ces changemens sont considérables, surtout chez nos voisins, où une révolution plus légitime, plus réfléchie et surtout plus féconde que notre révolution de 1848, s’est accomplie paisiblement, pendant que nous remontions avec effort la pente de l’abîme où nous nous étions jetés. Quelque chose de pareil à ce qui s’est passé en France et en Angleterre de 1790 à 1800 s’est reproduit pendant ces cinq années, si stérilement pénibles pour nous, si utilement actives pour eux. Pendant que nous posions bruyamment beaucoup de questions sans les résoudre, ils les résolvaient sans les poser, et nous sommes sortis les uns et les autres de l’épreuve, eux fortifiés et nous affaiblis.

Mais avant de raconter cette crise respective qui a augmenté encore la distance déjà si grande que nous venons de constater, il importe de rechercher les causes de la supériorité agricole anglaise jusqu’à 1847. Ces causes dérivent de l’histoire et de l’organisation entière des deux pays. La situation agricole d’un peuple n’est pas un fait isolé, c’est une part du grand ensemble. La responsabilité de l’état imparfait de notre agriculture ne revient pas à nos cultivateurs exclusivement ; son progrès ultérieur ne dépend pas uniquement d’eux, ou, pour mieux dire, ce n’est pas en fixant leurs regards sur le sol qu’ils peuvent arriver à se rendre tout à fait compte des phénomènes qu’il présente, c’est en essayant de remonter aux lois générales qui régissent le développement économique des sociétés.


LEONCE DE LAVERGNE.