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III — RÉHABILITATION DE BEAUMARCHAIS.

Comprenant bien son temps, Beaumarchais avait senti que le principal pour lui n’était pas d’insister sur la justice de sa cause, mais de se rendre utile d’abord, ensuite nécessaire, et que sa réhabilitation marcherait toute seule. Tandis qu’il fatiguait des chevaux de poste au service du roi, il avait eu d’abord la satisfaction d’apprendre que le parlement Maupeou, qui l’avait si cruellement frappé, était mort à son tour des blessures qu’il avait reçues de lui. Après l’avènement de Louis XVI, ce corps judiciaire était tombé à un tel degré de déconsidération, que, quelques-uns de ses membres se plaignant au vieux Maurepas, chef du nouveau ministère, de ne pouvoir plus se rendre aux audiences sans être insultés par le peuple, ce ministre leur avait répondu avec la légèreté de l’homme et du temps : « Eh bien, allez-y en domino, vous ne serez pas reconnus. » Cette réponse indiquait suffisamment le sort réservé aux magistrats de Maupeou ; leur exécution se fit cependant attendre encore six mois. Ce ne fut que le 12 novembre 1774, qu’un édit de Louis XVI abolit la nouvelle magistrature et rappela les anciens parlemens. Le 25 du même mois, Beaumarchais écrivait à M. de Sartines :


« J’espère que vous n’avez pas envie que je reste le blâmé de ce vilain parlement que vous venez d’enterrer sous les décombres de son déshonneur. L’Europe entière m’a bien vengé de cet odieux et absurde jugement ; mais cela ne suffit pas, il faut un arrêt qui détruise le prononcé de celui-là. J’y vais travailler, mais avec la modération d’un homme qui ne craint plus ni l’intrigue ni l’injustice. J’attends vos bons offices pour cet important objet. »


Malgré les intentions exprimées dans cette lettre, Beaumarchais ne se pressait pas, car il attend encore près de deux ans ; mais quand il juge le moment venu, quand son crédit est assuré, quand M. de Maurepas, vieillard spirituel et léger, est complètement captivé par lui, Beaumarchais attaque la difficulté avec son entrain ordinaire, et l’enlève à la course. La sentence est devenue définitive depuis deux ans. Il pourrait obtenir du roi des lettres d’abolition, il n’en veut pas. Ce n’est point une grâce, c’est une justice qu’il exige, et il faut que le parlement restauré détruise l’œuvre du parlement bâtard qui avait usurpé ses fonctions. Louis XVI lui accorde d’abord des lettres patentes, en date du 12 août 1776, qui le relèvent du laps de temps écoulé depuis la signification du jugement du 26 février 1774. « Attendu, dit l’acte royal, que notre amé Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais est sorti du royaume par nos ordres et pour notre service, voulons qu’il soit remis et rétabli en tel et semblable état que si ledit laps de temps n’était pas écoulé, et qu’il puisse, nonobstant icelui,