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seulement quels ennemis belliqueux les armées de la Hollande avaient à combattre ; il nous rappela aussi à quelles mœurs barbares la domination européenne était venue arracher ces malheureux peuples.

Les dépendances du château de Buitenzorg formaient autrefois un des districts du royaume hindou de Padjajaran : elles sont comprises entre deux rivières ou plutôt deux torrens, le Tji-Liwong et le Tji-Danie, qui coulent sur ce point à une demi-lieue de distance l’un de l’autre. Quelques terres cultivées fournissent les revenus nécessaires à l’entretien du château. Un village indigène s’étend sur la rive occidentale du Tji-Liwong ; mais la majeure partie du district est occupée par un parc immense et par un jardin botanique où se trouvent réunis tous les végétaux dont on a essayé d’acclimater la culture à Java. L’imagination des poètes n’a jamais rien rêvé de plus beau que ce parc, traversé par des eaux murmurantes, avec ses grandes pelouses peuplées de troupeaux d’axis et ses arbres géans qu’ont vus naître les cinq parties du monde. Il faut avoir parcouru cette vallée de Tempé, doux et modeste asile offert aux transfuges de tous les climats, pour savoir quelle variété infinie le grand artisan de l’univers a pu mettre dans la découpure et les teintes mobiles des feuillages, dans le port majestueux des troncs, dans le déploiement capricieux des branches. La Nouvelle-Hollande, les Moluques, le Bengale, la Chine, le Japon, l’Europe même, semblent se donner la main sous ces ombrages. Le chêne et le palmier ont trouvé une patrie commune. Le bétel enlace de sa liane grimpante l’érable ou le mélèze ; le thé croît à côté du poivre, le cactus du Mexique ou l’indigofère de l’Amérique centrale à côté du coton de l’Égypte et de la canne à sucre des îles Sandwich. Il n’est pas un pays qui n’ait été mis à contribution par les botanistes de Buitenzorg. Les bambous occupent tout un côté de la rivière. Dans certaines allées, les arbres ont l’écorce odorante ; dans d’autres, chaque tronc laisse suinter une gomme aromatique. Ici ce sont de larges feuilles digitées, plus loin de verts panaches, des stipes qui s’élancent ou des sarmens qui rampent, des fruits solitaires attachés sur un tronc colossal, ou des grappes qui pendent de la cime d’une tige bulbeuse épanouie comme un parasol. Bien que le château de Buitenzorg possède une ménagerie, complément presque indispensable d’un jardin botanique, nul animal féroce ne trouble de ses rugissemens le silence de cette délicieuse retraite. Des orangs-outangs pensifs, des pachydermes affables ou sans malice, tels que le tapir et l’éléphant de Sumatra, sont, avec l’oiseau royal des Moluques et le babi-roussa de Célèbes, les seuls représentans de la faune indienne auxquels on ait voulu donner cet éden javanais pour prison.

Après le château et le parc de Buitenzorg, que pouvions-nous visiter qui nous offrît plus d’intérêt que les cavernes au fond desquelles