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nous, et l’avare Achéron consentit à lâcher sa proie ; Avec quel plaisir nous sortîmes de cet antre pour revoir la nature, épanouie et souriante comme une jeune fiancée ! Le prisonnier de Chillon ou le captif échappé des plombs de Venise n’eût point salué d’un regard plus ravi le premier rayon de sa liberté. Il est des malheureux cependant qui se dévouent à fouiller comme des mineurs les longs détours de ces cavernes, qui vont ramper dans ces couloirs humides ou poser des échelles de bambou sur le bord de ses abîmes, afin de recueillir deux ou trois fois par an la précieuse moisson à laquelle ils n’ont point de part. On évalue à 800 kilog. la récolte des nids que fournissent chaque année les grottes de Tjampeo, et à plus de cent mille francs les bénéfices du Chinois auquel en est affermée à l’exploitation.

Ce serait une curieuse nomenclature que celle des exportations de Java. Cette île féconde a plus d’un marché ouvert à ses produits. Ce qui ne convient ni à l’Europe, ni à la Nouvelle-Hollande, ni aux États-Unis, le Céleste Empire, l’Indo-Chine, la Malaisie, le Japon, le consomment. Le riz, le café, le sucre et l’indigo sont les grandes richesses du sol. À côté de ces importans produits, vous verrez figurer les nids d’oiseaux pour plus d’un million de francs ; vous remarquerez le tabac, le gingembre, le bois de sapan, la nacre, l’écaille de tortue, les ailerons de requin, mentionnés à la suite du thé, de la cannelle, de la muscade et de la cochenille. C’est surtout l’industrie privée qu’il faut louer des essais intelligens auxquels l’île de Java est redevable de nouveaux produits et de nouvelles cultures. Les encouragemens du gouvernement ne lui ont point manqué, et ils n’ont point été prodigués, comme il arrive trop souvent, en pure perte.

À 11 kilomètres environ de Buitenzorg s’étend, sur les premiers contreforts de la chaîne centrale, le fertile district de Pondok-Guédé. C’est là que nous pouvions mieux qu’ailleurs apprécier les résultats obtenus par l’industrie privée. Sur une éminence adossée à de rians coteaux s’élève l’habitation principale, d’où l’œil du maître peut surveiller son immense domaine. On dirait un temple grec debout sur son promontoire, si, au lieu de la mer harmonieuse, on n’entendait bruire au loin le feuillage des arbres, si les moissons jaunies ne remplaçaient à l’horizon les vagues agitées qui écument et blanchissent. Une vaste terrasse occupe un des gradins du plateau ; d’autres étages de verdure et de fleurs l’entourent et la dominent. Le moindre souffle de brise fait descendre de ces jardins superposés mille parfums inconnus. Les rizières s’étendent à perte de vue dans la plaine, les bois de cafiers couronnent les collines ; sur les flancs inclinés de la montagne, le thé déploie ses vastes pépinières, et le nopal trace un triple sillon de raquettes épineuses.

Ce fut en 1827 que les Hollandais apportèrent du Japon les premiers arbustes à thé qui furent plantés dans le jardin d’essai de Buitenzorg,