L’étude qu’on va lire est le plus récent produit de ma plume ; quelques pages seulement sont d’une date plus ancienne. Il m’importe de faire cette remarque pour n’avoir pas l’air de marcher sur les brisées de certains librettistes qui maintes fois ont su tirer parti de mes recherches légendaires. Je voudrais volontiers promettre une prochaine continuation de ce travail, dont les matériaux se sont accumulés dans ma mémoire ; mais l’état de santé précaire où je me trouve ne me permet pas de prendre un engagement pour le lendemain.
Nous nous en allons tous, hommes et dieux, croyances et traditions… C’est peut-être une œuvre pieuse que de préserver ces dernières d’un oubli complet en les embaumant, non selon le hideux procédé Gannal, mais par l’emploi d’arcanes qui ne se trouvent que dans la pharmacie du poète. Oui, les croyances, et avec elles les traditions, s’en vont. Elles s’éteignent, non-seulement dans nos pays civilisés, mais jusque dans les contrées du monde les plus septentrionales, où naguère florissaient encore les superstitions les plus colorées. Les missionnaires qui parcourent ces froides régions se plaignent de l’incrédulité de leurs habitans. Dans le récit d’un voyage au nord du Groenland fait par un ministre danois, celui-ci nous raconte qu’il a interrogé un vieillard sur les croyances actuelles du peuple groënlandais. Le bonhomme lui répondit : Autrefois on croyait encore à la lune, mais aujourd’hui l’on n’y croit plus.
Henri Heine, Paris, 19 mars 1853.
Singulier métier que celui d’écrivain ! L’un a de la chance dans cette profession, l’autre n’en a pas ; mais le plus infortuné des auteurs est sans contredit mon pauvre ami Henri Kitzler, bachelier ès-lettres à Goettingue. Personne dans cette ville n’est aussi savant, aussi riche en idées, aussi laborieux que lui, et pourtant pas le moindre opuscule de lui n’a encore paru à la foire littéraire de Leipzig. Le