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patriarcat de Constantinople. Ce patriarcal pourrait-il sans un véritable suicide, accepter la prépondérance du synode de Saint-Pétersbourg ? Le pourrait-il sans renier toutes les traditions de l’église grecque et de la race hellénique, qui, de temps immémorial, est en possession de fournir des patriarches pour les quatre sièges de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem ? Le pourrait-il enfin sans exposer l’église grecque à se voir dépouillée de sa langue liturgique au profit de la langue et de la liturgie de l’église russe, et à admettre sur des questions qui touchent de près au dogme, telle que celle du baptême, des doctrines en opposition avec ses usages les plus vénérés.

Que l’on cesse donc de parler de projets de fusion de l’église grecque dans l’église russe. Si de pareils projets existent, ils ne peuvent venir de l’église grecque, qui, loin d’avoir quelque chance d’y rien gagner, commencerait par y perdre l’indépendance même, pour laquelle elle a rompu autrefois avec Rome, et qui, en abdiquant, entraînerait dans ce sacrifice la ruine, cette fois irrévocable, de la nationalité hellénique.

Non, l’intérêt religieux et l’intérêt national sont en ce point d’accord. Les Grecs n’ont point pour les Russes le penchant dont quelques écrivains, qui ne se rendent pas compte du mouvement des esprits en Orient, les supposent animés. Le mot d’église gréco-russe, que l’on essaie en ce moment de mettre en usage, révolte leur orgueil. Depuis quand voit-on la fille donner son nom à la mère ? Telle est la réponse fière et méritée que les Hellènes opposent à cette prétention de confondre les deux églises sous un même nom. Il y a en définitive deux sentimens qui mettent les Grecs à l’abri des séductions auxquelles ils peuvent être en butte de la part des influences qui cherchent à dominer et à absorber l’Orient : c’est le sentiment de l’indépendance religieuse et celui de la nationalité, c’est la conviction qu’ils ont gardée, jusque dans leurs plus mauvais jours de la supériorité de leur église et de leur race. Ajoutons à ces sentimens celui de la liberté civile et politique, et à ce sujet écoutons une dernière fois l’écrivain que nous avons déjà cité : « Les Grecs si attachés, dit-il, aux dogmes de l’église d’Orient, tout en combattant pour la foi de leurs pères, ont moins compté sur les Russes que sur les autres peuples chrétiens de l’Europe ; c’est que les Grecs, en combattant en même temps pour leur indépendance politique, n’entendaient pas se mettre sous le vasselage d’une nation qui leur doit sa religion et sa civilisation, mais dont les institutions sont l’opposé des idées helléniques. La patrie antique de la liberté ne saurait s’allier au despotisme russe, et c’est vers l’Occident, nouvelle terre de la liberté, que les enfans de l’Hellade ont tourné leurs regards. » Si nous avions eu besoin d’être rassurés sur les dispositions des Grecs au milieu des épreuves auxquelles leur sagesse est mise en ce moment, ces vues si fermement exprimées ne nous laisseraient point de doutes, car elles sont trop conformes aux véritables intérêts de la Grèce pour ne point être partagées par le gouvernement et le pays.

CH DE MAZADE.


LES POETES FRANCISCAINS EN ITALIE AU XVIIIe SIECLE, par A.-F. Ozanam[1]

Ce petit livre, dit l’auteur, n’est point un livre de science. — M. Ozanam,

  1. Paris, Jacques Lecoffre, et Cie, rue du Vieux Colombier.