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senter le morceau de parchemin. Le chevalier se soumit à ces ordres. Son cœur battait avec force, lorsqu’à minuit sonnant il se trouva au carrefour désigné, et qu’il vit défiler l’étrange cortège. C’étaient des hommes et des femmes pâles, magnifiquement vêtus d’habits de fête de l’époque païenne ; les uns portaient des couronnes d’or, les autres des couronnes de laurier sur un front tristement incliné vers la poitrine ; on en voyait aussi marchant avec inquiétude, chargés de toutes sortes de vases d’argent et d’autres ustensiles qui appartenaient aux sacrifices dans les anciens temples. Au milieu de cette foule se dressaient d’énormes taureaux aux cornes d’or, ornés de guirlandes de fleurs, et puis, sur un magnifique char triomphal, chamarrée de pourpre et couronnée de roses, s’avançait une déesse haute de stature et éblouissante de beauté. Le chevalier s’approcha d’elle, et lui présenta le parchemin du prêtre Palumnus, car il venait de la reconnaître pour celle qui possédait son anneau. La déesse eut à peine entrevu les caractères tracés sur le parchemin, que, levant les mains au ciel, elle poussa un cri lamentable. Des larmes s’échappèrent de ses yeux, et elle s’écria avec désespoir : « Cruel prêtre Palumnus ! tu n’es donc pas encore satisfait des maux que tu nous as précédemment infligés ! Mais tes persécutions auront bientôt un terme, cruel prêtre Palumnus ! » Et elle rendit l’anneau au chevalier, qui, la nuit suivante, ne rencontra plus d’obstacles à son union nuptiale. Quant au prêtre Palumnus, il mourut trois jours après cet événement.

J’ai lu cette histoire pour la première fois dans le Mons Veneris de Kornmann. Il y a peu de temps, je l’ai retrouvée citée dans un livre absurde sur la sorcellerie, par Delrio, qui l’a extraite d’un ouvrage espagnol ; elle est probablement d’origine ibérique. L’ouvrage de Kornmann est la source la plus importante à consulter pour le sujet que je traite. Il y a bien longtemps qu’il ne m’est tombé sous la main, et je n’en peux parler que par souvenir ; mais cet opuscule d’à peu près deux cents à deux cent cinquante pages, avec ses vieux et charmans caractères gothiques, est toujours présent à mon esprit. Il peut avoir été imprimé vers le milieu du XVIIe siècle. Le chapitre des Esprits élémentaires y est traité de la manière la plus approfondie, et l’auteur y a rattaché des récits merveilleux sur la montagne de Vénus. À l’exemple de Kornmann, j’ai dû, au sujet des esprits élémentaires, parler également de la transformation des anciennes divinités. Non, ces dernières ne sont point de simples spectres ! car, comme je l’ai proclamé plus d’une fois, ces dieux ne sont pas morts ; ce sont des êtres incréés, immortels, qui, après le triomphe du Christ, ont été forcés de se retirer dans les ténèbres souterraines. La tradition allemande relative à Vénus, comme déesse de la beauté et de l’amour, présente un caractère tout particulier ; c’est