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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/253

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puisque le charbon est la matière première de toutes les industries.

Sous cette impulsion, la population de la Grande-Bretagne s’est élevée, de 1801 à 1851, de 10 millions d’âmes à 20 ; celle du comté de Lancastre et du West-Riding a triplé ; elle a passé de 1,200,000 âmes à 3 millions et demi, et comme ils forment à eux deux une étendue totale d’un million d’hectares seulement, ce n’est rien moins que 3 têtes et demie par hectare ; il n’y a peut-être pas dans le monde entier de population plus condensée. La France n’offre nulle part un spectacle pareil : dans le même laps de temps, sa population totale n’a augmenté que d’un quart ; elle a passé de 27 millions à 36, et ses départemens les plus peuplés, ceux du Rhône et du Nord, après celui de la Seine, qui fait exception ainsi que Londres, ne comptent que 2 têtes humaines par hectare. Plus le pays est peuplé, plus le rapport de la population agricole à la population totale descend. Vers la fin du siècle dernier, le rapport du nombre des agriculteurs au chiffre total devait être à peu près le même qu’aujourd’hui chez nous, c’est-à-dire d’environ 60 pour 100. Depuis, à mesure que la foule des hommes a grossi, on a vu cette proportion baisser, non que la population rurale ait diminué, elle s’est au contraire un peu accrue, mais parce que la population industrielle a monté avec une bien autre rapidité. On comptait en 1800, dans la Grande-Bretagne, environ 900,000 familles agricoles ; on en compte peut-être aujourd’hui un million. En 1811, le nombre des familles non agricoles était déjà de 1,600,000, en 1821 de 2 millions, en 1841 de 2 millions et demi ; elle doit être aujourd’hui de 3 millions. En général, la population rurale forme le quart de l’ensemble ; mais sur certains points elle est fort au-dessous. Dans le comté de Middlesex, il y a 2 cultivateurs pour 100 habitans ; dans le Lancashire, 6 ; dans le West-Riding, 10 ; dans les comtés de Warwick et de Straffbrd, 14.

La France ne présente nulle part, pas même dans le département de la Seine, une pareille disproportion. Comme population urbaine, qu’est-ce que Paris, avec son million d’âmes, auprès de la gigantesque métropole de l’empire britannique, qui ne compte pas moins de deux millions et demi d’habitans ? Qu’est-ce que Lyon, même avec l’annexe de Saint-Etienne, auprès de cette foule de villes manufacturières qui se groupent autour de Liverpool et de Manchester, et qui forment ensemble une agglomération de trois millions d’âmes ? Le tiers de la nation anglaise est rassemblé dans ces deux centres : Londres au sud, les villes manufacturières du Lancashire et du West-Riding au nord.

Ces fourmilières humaines sont aussi riches que nombreuses. Beaucoup d’ouvriers d’industrie gagnent en Angleterre de 5 à 10 fr.