Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà payées pour des chemins de fer, des canaux, des mines, des usines ! Que de rentes doublées par l’ouverture de nouveaux moyens de communication ou le développement dans le voisinage de grands ateliers industriels ! Enfin que de terres qui passent tous les jours des mains de propriétaires obérés et pauvres aux mains d’acquéreurs plus riches ! C’est le mouvement naturel d’une société en progrès, mouvement qui s’accélère par lui-même quand aucune catastrophe politique ne vient l’arrêter.

Réduite à ces termes, la question agricole n’est plus qu’une question de prospérité générale. Si la société française, retardée dans son essor par tous les obstacles qu’elle a elle-même suscités, pouvait jamais avoir devant elle cinquante années semblables à celles qui se sont écoulées de 1815 à 1848, nul doute qu’elle ne regagnât, en agriculture comme en tout, la distance qui la sépare de sa rivale. Le plus difficile est fait. Nous disposons, aussi bien que les Anglais, de ces moyens puissans qui multiplient aujourd’hui l’action du travail, et qui, appliqués à une terre presque neuve, peuvent précipiter à l’infini le progrès de la richesse. Nulle part les chemins de fer, par exemple, ne sont appelés à produire une révolution plus profonde et plus lucrative que chez nous. En Angleterre, ces voies merveilleuses ne rapprochent que des pays déjà rapprochés par d’autres moyens de communication, et dont les produits se ressemblent. Chez nous, elles auront pour effet de réunir des régions toutes différentes de climats et de produits parfaitement distincts, et qui n’ont encore entre elles que des communication imparfaites. Nul ne peut dire d’avance ce qui doit sortir d’une transformation aussi radicale. Seulement il importe que nos propriétaires et cultivateurs se rendent bien compte des seuls moyens qui peuvent les enrichir, afin qu’ils n’apportent pas eux-mêmes des entraves à leur prospérité. Leur opposition n’empêcherait pas le cours naturel des choses, mais elle pourrait le rendre lent et pénible. Toute jalousie des intérêts agricoles contre les intérêts industriels et commerciaux ne peut faire que du mal aux uns comme aux autres. Voulez-vous encourager l’agriculture, développez l’industrie et le commerce qui multiplient les consommateurs, perfectionnez surtout les moyens de communication qui rapprochent les consommateurs des producteurs ; le reste suivra nécessairement. Il en est du commerce et de l’industrie à l’égard de l’agriculture en général, comme de la culture des plantes fourragères et de la multiplication des animaux à l’égard de la production céréale ; il semble d’abord qu’il y ait opposition, et au fond il y a un tel enchaînement que l’un ne peut faire de progrès sérieux sans l’autre.

Les débouchés, voilà le plus grand et le plus pressant intérêt de