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obtenues par l’agriculture dans les trois royaumes donnait le résultat suivant : — viande, 50 kilos par tête ; froment, 1 hectolitre et demi ; orge et avoine, 1 hectolitre et demi ; lait, 72 litres ; pommes de terre, 5 hectolitres ; bière, 1 hectolitre ; valeur totale, 150 francs, d’après les prix anglais, et avec la réduction de 20 pour cent, 120. En France, la même répartition donnait le résultat suivant : — viande, 28 kilos ; volaille et œufs, l’équivalent de 6 kilos de viande environ ; lait, 30 litres ; froment, 2 hectolitres ; seigle et autres grains, 1 hectolitre et demi ; pommes de terre, 2 hectolitres ; légumes et fruits, une valeur de 8 francs : vin, 1 hectolitre ; bière et cidre, 1 demi-hectolitre ; valeur totale, 120 francs.

L’alimentation moyenne était donc, à peu de chose près, équivalente dans les deux pays. Les îles britanniques avaient l’avantage pour la viande, le lait et les pommes de terre ; la France, à son tour, reprenait le dessus pour les céréales, les légumes, les fruits, et la qualité comme la quantité de la boisson. À égalité de besoins, la situation des deux populations aurait été à peu près la même ; mais soit pour une cause, soit pour une autre, l’Anglais consomme plus que le Français. La population anglaise proprement dite attirait à elle presque toute la viande et presque tout le froment des deux îles, et ne laissait à la grande majorité de la population écossaise et irlandaise que l’orge, l’avoine et les pommes de terre, et cependant, malgré la grande supériorité de production de la terre anglaise, malgré les nombreuses importations d’animaux et de grains d’Ecosse et d’Irlande, la demande des denrées alimentaires était encore telle en Angleterre, que les prix s’y maintenaient en moyenne d’environ 20 pour 100 au-dessus de nos prix français ; ils auraient même monté au-delà, si l’importation venue du continent ne les avait contenus à ce taux.

Dans une telle situation, la question des approvisionnemens a toujours été pour les hommes d’état anglais une question de premier ordre. Dans un pays où la population est aussi condensée, où un tiers environ des habitans est réduit au strict nécessaire et où les deux autres tiers, quoique les mieux partagés du monde, ne se trouvent pas encore assez bien nourris, le moindre déficit de récolte peut amener des embarras formidables. C’est en effet ce qui est arrivé à diverses époques, notamment au plus fort de la guerre contre la France ; on a vu le blé monter alors à des prix excessifs, 4, 5 et jusqu’à 6 livres sterling le quarter, c’est-à-dire 30, 40 et 50 francs l’hectolitre. Depuis 1815, les progrès de la culture et de l’importation avaient progressivement ramené le prix du froment à un peu moins de 3 liv. sterling le quarter ou 25 francs l’hectolitre, il était même tombé en 1835 à 2 livres sterling, ou 17 francs ; mais depuis 1837 il tendait à se relever, et il avait déjà plusieurs fois dépassé le cours de