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de beaucoup moins. Cette avance féconde faite et bien faite, nul doute que la rente et le profit, même sur les points où ils ont paru le plus compromis par la baisse, ne remontent au-delà du taux antérieur, et ne donnent ainsi un revenu suffisant des nouveaux capitaux absorbés par le sol. Alors le pays fournira au moins un tiers en sus de denrées alimentaires ; le produit brut moyen, qui était l’équivalent de 200 francs par hectare, sera de 300, la rente moyenne montera probablement jusqu’à 100, et le bénéfice des fermiers jusqu’à 50. L’unique question n’est plus que celle-ci : les propriétaires et les fermiers sont-ils en état de fournir ce supplément d’avances ? Il ne s’agit de rien moins que de 10 à 12 milliards pour l’Angleterre et la Basse-Ecosse seulement. Pour tout autre pays que le royaume-uni, l’entreprise serait impossible ; même pour le royaume-uni, elle est difficile, mais elle n’est que difficile. La nation qui a dépensé 6 milliards en un quart de siècle pour la seule entreprise des chemins de fer peut bien en employer le double à renouveler son agriculture.

Le gouvernement a senti la nécessité de donner l’exemple. Dès 1846, au moment où il se décidait à provoquer la baisse des prix, il se départissait de la règle qu’il s’impose habituellement de ne point intervenir dans les intérêts privés, et proposait aux propriétaires de leur prêter 75 millions de francs pour travaux de drainage, à des conditions d’intérêt et d’amortissement qui ressemblent beaucoup à celles de notre société générale de crédit foncier, 6 1/2 pour 100 d’annuité amortissant la dette en capital et intérêts au bout de vingt-deux ans. Ce premier prêt ayant réussi, le gouvernement en a fait d’autres, et un grand nombre de propriétaires des trois royaumes en ont aujourd’hui profité. Les capitaux privés ont suivi l’impulsion. Ceux des propriétaires atteints qui possédaient des capitaux mobiliers, ou dont le bien était assez liquide pour servir de gage à des emprunts, sortiront de la crise avec honneur ; mais ceux dont la position était déjà embarrassée se débattent péniblement. Un dixième environ des propriétaires anglais est dans ce cas. Pour ceux-là, les économistes et les agronomes n’ont pas trouvé de meilleur remède que de leur faciliter la vente ou la division de leurs immeubles.

Ces opérations sont aujourd’hui difficiles et coûteuses à cause de L’incertitude de la propriété. Un peuple d’hommes d’affaires vit de l’examen des titres et de la confusion qui y règne. Il s’agit d’adopter un système d’enregistrement analogue au notre, qui régularise et facilite les transmissions ; les idées émises à ce sujet sont des plus radicales. On va jusqu’à demander que la propriété de la terre puisse se transmettre, comme les rentes sur l’état ou les autres valeurs mobilières, et on ne sollicite rien moins que l’ouverture d’un grand livre de la propriété immobilière dont les litres soient des extraits