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diplomatique de Louis XIV et des dépêches de M. de Lionne. À les en croire, c’était une faute et presque un crime contre la sûreté de l’état ; ils devront être bien scandalisés, si par hasard ils lisent les deux gros volumes qu’a publiés, sur son voyage « au Nicaragua et sur les affaires qu’il eut à y traiter, M. Squier, chargé d’affaires des États-Unis en 1849 et 1850. En France, où la diplomatie est un métier que l’on n’a généralement aucun scrupule d’exercer sous toutes les formes de gouvernement, il y a des personnes intéressées à faire croire que c’est encore un art dont les adeptes seuls sont capables de pratiquer les mystères ; mais aux États-Unis, où il est établi en principe et confirmé par la pratique que personne ne doit ni ne peut servir qu’avec les gens de son opinion, et seulement lorsqu’ils sont au pouvoir, on n’y met pas autant de façons, et l’on se résigne assez facilement à raconter la part que l’on a eue dans les affaires publiques. Il ne parait pas d’ailleurs que l’on s’en trouve plus mal, et peut-être même s’en trouve-t-on d’autant mieux que la responsabilité de chaque parti et de chacun en est plus loyalement établie. M. Squier a donc usé de la faculté qui lui était accordée par les usages de son pays, et tout en racontant ses aventures personnelles, qui ne laissent pas que d’ajouter au mérite de son livre, il expose comment, arrivé dans le Nicaragua en mai 1849, il obtenait, le 17 août, la signature, et le 23 septembre de la même année la ratification de deux traités, l’un de commerce et de politique générale entre l’état de Nicaragua et les États-Unis, l’autre, qui devait être garanti par le gouvernement de Washington, entre certains capitalistes et l’état de Nicaragua. Ce dernier avait pour but la construction d’un canal accessible à des bâtimens de toutes les dimensions.

M. Squier avait heureusement rempli sa mission : mais lorsque les deux traités arrivèrent à Washington, le congrès qui devait les ratifier était en vacances, et quand, à l’époque de sa réunion, au mois de décembre suivant, on voulut demander la ratification du sénat, le pouvoir exécutif fit savoir que depuis plusieurs mois déjà, avant d’avoir eu connaissance des résultats obtenus par M. Squier, il était en négociations ouvertes avec sir H. Bulwer, et croyait enfin pouvoir promettre d’arriver à une solution bien autrement avantageuse aux intérêts des États-Unis, car il espérait obtenir le concours de l’Angleterre elle-même à la grande œuvre dont la réalisation était si fort à désirer. Or l’Angleterre, c’était dans la question le véritable ennemi, le seul obstacle réel. En conséquence, les traités conclus par M. Squier et déjà ratifiés par le gouvernement de Nicaragua furent laissés dans les cartons du sénat, et le 19 avril 1850.M. Clayton signait avec sir H. Bulwer un nouveau traité qui, ratifié le 4 juillet, était promulgué dès le lendemain.