des conseils à qui que ce soit. Toutefois il paraît certain que le spectacle de l’Italie, l’exercice fréquent, aidé d’une organisation distinguée, ont produit sur Mme de Lagrange l’effet qu’ils produisent à peu près sur tous ceux qui visitent ce beau pays. Elle possède une voix de soprano très aigu dont elle aime à faire éclater les notes extrêmes du registre supérieur. Dans un air hongrois, qui a été évidemment composé tout exprès pour faire ressortir un mécanisme plus curieux et plus extraordinaire encore qu’agréable, Mme de Lagrange a surpris l’auditoire par un feu d’artifice de vocalisations singulières. Or, comme tout ce qui s’adresse plus à la curiosité des sens qu’à l’intérêt de la passion est un phénomène toujours de courte durée, nous craignons bien que Mme de Lagrange ne soit pour le Théâtre-Italien qu’un oiseau de passage qu’on aura vu, sans trop de regret, quitter sa belle cage d’or. — A l’Opéra-Comique, on adonné un ouvrage en deux actes, la Tonelli, de M. Ambroise Thomas. Après un accueil plus que froid fait à la conception dramatique du librettiste, la musique du compositeur distingué à qui l’on doit le Caïd et le Songe d’une nuit d’été a relevé la fortune de cet imbroglio, qui ne paraît pas destiné cependant à une très grande longévité. On prépare à ce même théâtre la mise en scène d’un opéra en deux actes de la composition de M. Duprez. — Au Théâtre-Lyrique a eu lieu la première représentation du Roi des Halles, opéra en trois actes dû à l’inépuisable faconde de M. Adolphe Adam. C’est le cas de s’écrier avec le grand poète : Non parliamo di questo. Avant la fin du mois, assure-t-on, l’Opéra donnera la première représentation de la Fronde de, M. Niedermeyer, où il paraît que Mlle Lagrua trouvera l’occasion de révéler au public les belles qualités qui la distinguent, et qui sont restées jusqu’ici presque inaperçues.
Revenons à l’histoire politique de ces derniers temps. On sait quelles questions presque redoutables pesaient récemment sur la situation générale de l’Europe, par suite des complications tout à coup survenues en Orient. L’émotion, si rapidement propagée au premier bruit de la mission du prince Menschikoff à Constantinople, s’est sensiblement amoindrie. On parlait de l’Orient il y a quinze jours, on n’en parle plus guère aujourd’hui. Est-ce donc que cette question ait perdu de sa gravité, et que l’intérêt qui s’y attache ne soit plus le même ? Non, mais il semble que le prince Menschikoff n’ayant pas accompli soudainement le coup de théâtre qu’on attendait de lui ou qu’on redoutait, l’attention publique ait cessé de se préoccuper des suites de cette complication, — et par là se trouverait réalisé ce que nous disions l’autre jour de la politique de la Russie : l’effet moral est produit, si nul effet matériel ne correspond à la mission extraordinaire, de l’envoyé du tzar. La réalité est que, bien qu’enveloppée de mystère et de formes moins impératives qu’on ne l’avait d’abord supposé, la politique russe, n’en est pas moins active à Constantinople. Si le prince Menschikoff n’a point strictement remis un ultimatum au gouvernement turc, ses prétentions ne semblent point s’éloigner, dans le fond, de ce qu’on avait dit. Elles paraissent toujours se rapporter aux lieux saints, au protectorat des Grécs, à la nomination du patriarche de Constantinople. Il est aisé de voir que de toutes ces questions, où l’indépendance même de la Turquie est en jeu, un conflit peut toujours naître, au moment voulu. Il serait assez difficile de dire jusqu’à quel point l’arrivée des ambassadeurs