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s’assurer qu’il créait pour le pouvoir, dans ses rapports avec les membres du parlement, une situation plus naturelle et plus facile.

Les électeurs pesant sur les députés et ceux-ci pesant sur les ministres, — une opposition aspirant aux fonctions publiques avec une ardeur fébrile, recrutée par des ressentimens personnels plus que par des griefs de parti, et tenant en réserve, pour le jour de son triomphe, des noms nouveaux à défaut d’idées nouvelles, — tous les embarras inévitables dans un pays de petites fortunes et d’existences précaires fomentés et aggravés par les dispositions de la loi : tel fut le déplorable spectacle qui ne contribua pas peu à amortir en France le sentiment déjà trop faible de la liberté politique. Il semblait que le législateur se fût complu à mettre en relief toutes les difficultés, sans tenter le plus léger effort pour les résoudre, en faussant au contraire de propos délibéré la situation respective des ministres, des députés et de leurs commettans. Rétrécir les circonscriptions électorales au lieu de les étendre, établir la gratuité du mandat en donnant à ce principe tout aristocratique l’étrange correctif d’un accès possible aux fonctions même les plus modestes, — c’était préparer dans le pays le triomphe des intérêts privés sur les croyances politiques, c’était implanter dans la chambre le germe des plus actives intrigues et des plus scandaleuses coalitions. Au lieu de résister aux mœurs, les lois leur venaient en aide pour énerver le gouvernement représentatif, dont elles altéraient le caractère.

Ce fut surtout dans la manière de constituer la chambre des pairs qu’éclatèrent ce défaut de perspicacité et ce terre-à-terre des combinaisons politiques au-dessus desquelles ne s’élevaient alors ni les esprits les plus fermes ni les âmes les plus fortes. On sait que la charte de 1830, en proclamant la division du pouvoir législatif en deux branches, n’avait rien statué sur le mode de formation de la chambre haute, et que ce fut au ministère de Casimir Périer qu’il appartint de résoudre ce problème dans la seconde session de 1831. D’un débat long et passionné, auquel prirent part toutes les illustrations de la tribune française, sortit cet art. 23 qui, en fondant une pairie viagère et inamovible, confiait au roi la nomination de celle-ci, en restreignant toutefois le choix de la couronne dans certaines catégories presque exclusivement composées de fonctionnaires.

Or bien peu de pénétration était, ce semble, nécessaire pour pressentir la nullité du rôle auquel allait être condamnée la première chambre, malgré l’importance personnelle de la plupart de ses membres. N’était-il pas manifeste que cette assemblée, émanation directe d’un autre pouvoir, sans la stabilité qu’elle empruntait au principe héréditaire, sans la puissance qu’aurait pu lui conférer le principe électif, ne serait plus aux yeux du pays qu’une sorte de conseil d’état