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interlocuteur, la peine ne devrait guère dépasser quatre ans. Pour sept prisonniers sur dix, la condamnation à douze ans serait pire que la mort. Le warden croit le système pensylvanien salutaire en lui-même, mais il n’en exagère point les avantages. Il admet qu’il peut régénérer le coupable, sans prétendre qu’il le régénère toujours. Ce châtiment a un inconvénient que plusieurs autres partagent avec lui, mais peut-être à un moindre degré : c’est l’inégalité de la peine pour les différens individus auxquels elle est imposée. Il y en a quelques-uns, c’est le petit nombre, qui prennent complètement leur parti de la solitude. L’un d’eux, par exemple, a si bien distribué l’emploi de ses heures, qu’il trouve toujours la journée trop courte ; mais il en est pour qui la solitude est intolérable. Cela dépend entièrement du caractère, et ce ne sont pas toujours les plus mauvais qui souffrent davantage. Dans un rapport sur cette prison, on cite l’exemple de deux détestables sujets qui trouvaient ce genre de vie assez de leur goût. Il faut pourtant reconnaître qu’en général il inspire aux mauvais drôles une terreur salutaire qui les porte à aller exercer leur profession dans les lieux où ils n’en sont point menacés. Les femmes en général se résignent plus facilement que les hommes ; Ce genre de vie sédentaire est moins différent de leurs habitudes, et quoi qu’aient pu dire les mauvais plaisans, le silence parait leur coûter moins qu’aux prisonniers du sexe masculin.

Les cellules sont propres, bien tenues, bien chauffées, assez grandes, puisqu’il y a place pour un métier. Chaque prisonnier a un petit jardin. Cela ressemble assez aux cellules des chartreux, qui ont aussi un jardin et un métier, et qui sont, de même que les prisonniers de Cherry-Hill, condamnés, il est vrai par un acte de leur volonté, au silence et même à un silence beaucoup plus rigoureux, car les prisonniers ont tous les jours de dix à quinze minutes de conversation soit avec les gardiens soit avec le directeur, soit avec les personnes charitables qui viennent les visiter, soit avec les curieux qui passent. Le système de l’isolement absolu, tel qu’on l’avait essayé d’abord dans la prison de Pittsburg, est maintenant abandonné. Il a été démontré intolérable et funeste. Les détenus peuvent lire tous les soirs après le thé ; le jour ils travaillent. Il y a dans l’établissement une bibliothèque : le bibliothécaire est un prisonnier condamné pour faux. Il était occupé à faire le catalogue, qui m’a paru exécuté avec soin. Enfin les habitans du pénitencier de Philadelphie ont la permission de chanter, de siffler en travaillant, et de fumer, ce que ne font point les chartreux. Ils déjeunent à sept heures avec du thé, qui deux fois par semaine est remplacé par le café. On donnait du café tous les jours ; mais il a été reconnu que ce breuvage excitait trop. Le dîner est à midi. Cinq fois par semaine on donne aux prisonniers du bœuf,