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de la prochaine arrivée de la mission anglaise, qui, à l’aide de puissans moyens mis à sa disposition, devait simultanément occuper un grand nombre de localités, M. Place se hâta de prendre possession d’un certain nombre de points intéressons qu’il n’avait pu encore reconnaître, tels que Solomié ou Resen et Kalaah-Shergat. Dans le courant du mois de décembre dernier, il fouillait le tertre d’Arbil ou Arbelles, qui domine la plaine que la victoire d’Alexandre a rendue fameuse. Dans les premiers jours du mois de janvier 1853, M. Place était de retour au monticule de Khorsabad, dont il ne voulait laisser aucun point inexploré.

Voulant se rendre compte de ce qui pouvait exister en arrière de la double rangée de colonnes et de terrasses dont nous avons parlé, le consul de France a ouvert sur ce point une longue tranchée qui lui a bientôt permis de reconnaître l’existence d’un mur de cinq pieds de haut sur vingt et un pieds de long, entièrement revêtu de briques peintes et émaillées, d’une belle conservation. Cette espèce de mosaïque représente différens sujets où figurent des hommes, des animaux et des plantes. C’est la première peinture assyrienne trouvée jusqu’à ce jour. Cette découverte est d’autant plus précieuse, qu’elle résout un problème archéologique sur lequel de récentes et heureuses recherches que M. Fulgence Fresnel a faites sur l’emplacement de Babylone avaient jeté une première lumière. Ctésias, médecin grec d’un des souverains Achéménides, dans la description qu’il nous a laissée du palais-citadelle de Babylone, parle de bas-reliefs en briques peintes qui ornaient les murailles de cet édifice. Ces peintures en émail représentaient des sujets de chasse qu’il décrit, et que, d’après lui, Diodore a également signalés. M. Fulgence Fresnel, en fouillant les décombres du kasr, cette partie du palais de Nabuchodonosor dont les débris forment une espèce de colline qui domine l’ensemble des ruines de la ville, avait rencontré une grande quantité de briques émaillées dont les fragmens paraissent appartenir aux peintures décrites par Ctésias. On y voit, en effet, des pieds de bêtes fauves, des queues et pattes de chiens, des dents de lions ou de panthères, et jusqu’à deux yeux, l’un bleu, l’autre noir, que M. Fresnel croit être ceux du roi et de la reine, représentés, selon Diodore, le roi perçant un lion, la reine lançant un javelot sur une panthère. Les peintures en émail trouvées par M. Place offrent une grande analogie avec les peintures babyloniennes, et nous font parfaitement comprendre l’application que les Assyriens faisaient de cet art à l’ornementation de leurs édifices. Cette découverte nous prouve une fois de plus qu’aux origines de l’art, l’emploi de la peinture, comme celui de la sculpture, était purement décoratif. Ce n’est que plus tard, et chez les peuples de seconde civilisation, que