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c’est une lutte nouvelle entre le parti libéral et le parti conservateur appuyé sur le sentiment protestant Nous n’avons pas besoin de dire ce qu’il y a souvent de périlleux dans les luttes de ce genre, surtout quand les passions populaires viennent s’y mêler, et poussent aisément parfois aux partis extrêmes. Quoiqu’il en soit, il y a pour la Hollande un guide infaillible : c’est l’esprit de tolérance, c’est son bon sens proverbial, qui peut trouver ici une épreuve de plus, mais qui en sortira, nous l’espérons, sans enfreindre les lois de l’équité et de la liberté religieuse.

Chose étrange, qu’en certains momens ces mots de changemens de constitution, de coups d’état, soient dans l’air en quelque sorte et souvent dans les intérêts les plus opposés ! En Hollande, on vient de le voir, ils jaillissent d’une situation inopinée ; en Espagne, il y a quelques mois que cette question s’agite et ne semble pas approcher beaucoup du dénouement. L’Espagne est depuis longtemps en proie à une crise politique assez grave, que la décomposition des partis ne fait que rendre plus difficile et plus périlleuse. Quelle en sera l’issue ? Rien ne l’indique encore. La réforme constitutionnelle s’accomplira-t-elle ? sera-t-elle définitivement écartée ? Cette question s’efface devant l’instabilité chronique dont semble frappé en ce moment le pouvoir ministériel en Espagne. Un cabinet nouveau vient de se former à Madrid : il se compose du général Lersundi, qui a la présidence du conseil, de M. Pedro Egaña, de M. Manuel Bermudez de Castro. Ce sont les membres les plus éminens du ministère espagnol actuel. Ce que le cabinet Roncali avait fait en recueillant la succession de M. Bravo Murillo, le ministère nouveau le fait en venant après le cabinet Roncali. Il tempère, une situation qui était arrivée à une extrême intensité ; il s’efforce, d’atténuer les divisions, de concilier par une politique modérée et prudente. Il ne faut point cependant se faire illusion, il est des questions pendantes en Espagne sur lesquelles les cabinets successifs ne diffèreront guère d’une manière radicale, parce qu’elles touchent à des intérêts trop profonds et trop enracinés, et qui renaîtront infailliblement ; mais, en attendant qu’elles se reproduisent, le cabinet espagnol a assez à faire de pacifier, de contraindre tout le monde à suivre la voie de la modération qu’il s’est proposé de suivre lui-même dans l’exposé de sa politique à la reine.

Les États-Unis sont à l’heure présente, comme tous les autres pays du monde, dans un moment d’attente et de transition. La politique du nouveau président ne se dessine pas encore. Est-ce par réserve ? est-ce par habileté ? Tout reste dans le plus complet statu quo, et depuis deux mois le calme le plus profond, interrompu seulement de loin en loin par de petits dissentimens intérieurs qui échappent au jugement des Européens, règne dans les conseils de Washington. Le général Pierce et le sénat procèdent lentement à la nomination des agens des diverses administrations ; peu de choix définitifs ont été arrêtés dans les nominations diplomatiques. M. Buchanan, un des candidats démocratiques à la dernière présidence, occupera l’ambassade de Londres ; M. Soulé, l’éloquent sénateur de la Louisiane, l’un des chefs de la jeune Amérique, occupera l’ambassade de Madrid : symptôme peu rassurant pour les relations futures de l’Espagne et des États-Unis !