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de la nourricerie[1] ; mais ici les grandes chambres où doivent éclore les œufs et se tenir les très jeunes larves sont refendues en un grand nombre de petites cellules dont les cloisons sont entièrement construites en parcelles de bois collées avec de la gomme. On trouve de ces couvoirs de toutes dimensions, et quelques-uns sont aussi gros qu’une tête d’enfant Tous sont entourés d’une coque de brique, aérés par les portes qui donnent dans les galeries ou corridors de communication, et placés, comme ils le sont, entre le grand vide du comble et la nef dont nous avons parlé tout à l’heure, ils réunissent toutes les conditions désirables d’égalité de température et de ventilation. Revenons maintenant à la cellule royale, et brisons-en l’enveloppe. Elle renferme toujours un couple unique, objet des soins les plus empressés, mais qui achète sa grandeur au prix d’une réclusion perpétuelle, car les portes et les fenêtres du palais, suffisantes pour laisser passer un ouvrier ou un soldat, sont trop étroites pour livrer passage au roi et plus encore à la reine. Celle-ci, toujours au centre de la chambre princiers et reposant à plat, frappe tout d’abord les yeux de l’observateur. Qu’elle ressemble peu à ce gracieux insecte aux fines ailes, à la taille svelte, qui n’avait que trois à quatre fois la longueur et trente fois le poids d’un ouvrier ! Ses ailes ont disparu ; la tête et le corselet sont restés à peu près les mêmes ; l’abdomen, au contraire, a pris un développement monstrueux, et tend à s’accroître sans cesse. Dans une vieille femelle, il est deux mille fois plus gros que le reste du corps, et atteint jusqu’à 15 centimètres de long. Cette femelle pèse alors autant que trente mille ouvriers, et, grâce à cette obésité exagérée, les précautions prises pour prévenir la fuite sont parfaitement inutiles, car elle ne peut faire un seul pas. Quant au mâle, il a aussi perdu ses ailes, mais n’a d’ailleurs changé ni de dimensions ni de formes. Toutefois il use peu de sa faculté de locomotion, et, tapi d’ordinaire sous un des côtés du vaste abdomen de sa compagne, il se borne à remplir les fonctions de mari de la reine. Les travailleurs et les soldats ont l’air de faire assez peu d’attention au roi ; mais ils sont fort occupés de la reine. L’espace laissé libre autour de celle-ci est constamment rempli par quelques milliers de serviteurs empressés qui circulent autour d’elle en tournant toujours dans le même sens. Les uns lui donnent à manger, d’autres enlèvent les œufs qu’elle ne cesse de pondre, car ici, comme chez les abeilles, cette reine est avant tout la mère de ses sujets. Seulement, chez les termites, sa fécondité est vraiment merveilleuse, et n’était l’immensité du nombre de travailleurs que suppose l’accomplissement

  1. Traduction littérale du mot nurcery, employé par Smeathman, et que j’ai rendu ailleurs par le mot de couvoir.