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tefois, jamais il ne lui sera donné d’acquérir un développement considérable. Elle est fort mal placée au milieu d’une plaine bien cultivée, mais dénuée d’arbres ; les chaleurs de l’été s’y font si désagréablement sentir, il y règne à cette époque tant de lièvres, que la moitié de ses habitans s’en va demeurer ailleurs, En revanche, quelle admirable situation que celle de Chiraz ! Entourée de hautes collines et de lointaines montagnes, cette ville, dont les Persans sont si fiers, s’étend au sein d’une riante vallée que rend plus gracieuse encore la morne barrière des rochers environnans. Ce frais vallon est bien la pairie de Saâdi et d’Hafiz, les aimables poètes. Celui-ci repose au milieu des jardins, sous un bosquet de cyprès. Son tombeau est entretenu avec soin. Le bruit de la ville murmure encore autour du poète ami des plaisirs que l’on a surnommé l’Anacréon de la Perse, la tombe de Saâdi, au contraire, semble négligée ; on n’y voit plus l’exemplaire complet de ses œuvres qu’on y avait jadis scellé avec une chaîne de fer. Cet abandon des restes de l’auteur du Gulistan est comme l’image des traverses de sa vie errante et malheureuse. Le tremblement de terre de 1824 a renversé tous les minarets, tous les édifices de Chiraz ; ses onze collèges ne sont plus florissans comme au temps où l’on appelait à bon droit cette ville le séjour de la science. On n’y compte pas plus de trente mille habitans, et c’est là la capitale de la province du Farz, d’où la Perse a pris son nom. Nous venons de signaler la fertilité de la vallée de Chiraz ; toutefois elle est bien dépassée par celle des bords du Gange et des autres fleuves de l’Inde. Généralement le sol de la Perse est sec, la végétation n’y atteint point le développement que lui permettrait d’acquérir sa chaude température, si elle était mieux arrosée. Pour rendre quelque chose, la terre demande à l’homme un incessant travail.

Grâce à leur vieille civilisation, les Persans se sont rendus habiles dans divers genres d’industrie. À Ispahan, il existe des manufactures de tapis jadis renommés, de velours, de draps, de verres coloriés, d’armes blanches, de pistolets et de sucreries ; Chiraz s’est rendue célèbre par ses fruits confus, ses sorbets et son vin que les musulmans trouvent excellent, quoiqu’ils affectent d’en abandonner la fabrication aux chrétiens. Ce sont bien là les descendans des Perses efféminés et guerriers tout à la fois, épris des riches étoffes et des belles armes. Les Persans, que tant de calamités ont assaillis depuis vingt-cinq siècles, sont devenus insoucians et gais comme le sont souvent les peuples vieillis. Chez eux, on trouve le goût des exercices du corps, des courses de chevaux, des tournois même ; leurs traits sont réguliers et beaux ; leur physionomie a gardé quelque chose de la dignité d’un peuple puissant et dominateur ; ils aiment les arts, la poésie, la musique ; ils sont causeurs et portés au men-