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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/894

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statues du duc et de la duchesse de Tresmes[1] et celle de leur illustre fils, Potier, marquis de Gèvres. Le voilà bien l’intrépide compagnon de Condé, arrêté dans sa course à trente-deux ans, devant Thionville, après la bataille de Rocroy, déjà lieutenant-général, et quand Condé demandait pour lui le bâton de maréchal de France, déposé sur sa tombe ; le voilà jeune, beau, hardi comme ses camarades, moissonnés aussi à la fleur de l’âge, Laval, Châtillon, La Moussaye. Un des meilleurs ouvrages de Michel Anguier est le monument de Henri de Chabot, cet autre compagnon, cet ami fidèle de Condé, qui, par les grâces de sa personne, sut gagner le cœur, la fortune et le nom de la belle Marguerite, la fille du grand duc de Rohan. Le nouveau duc mourut jeune encore, en 1655, à trente-neuf ans. Il est représenté couché, la tête inclinée, et soutenue par un ange ; un autre ange est à ses pieds. L’ensemble est frappant, et les détails sont exquis. La figure de Chabot est de toute beauté, comme pour répondre à sa réputation, mais c’est la beauté d’un mourant. Le corps a déjà la langueur, du trépas, languescit moriens, avec je ne sais quelle grâce antique. Ce morceau, s’il était d’un dessin plus sévère, rivaliserait avec le Gladiateur mourant, qu’il rappelle, peut-être même qu’il imite[2].

J’admire en vérité qu’on ose parler aujourd’hui si légèrement de Puget et de Girardon. Les défauts de Puget sont manifestes ; mais on ne peut lui refuser des qualités du premier ordre. Il a le feu, la verve, la fécondité du génie. Les cariatides de l’hotel-de-ville de Toulon, qui ont été apportées au musée de Paris, attestent un ciseau puissant Le Milon rappelle, en l’exagérant, la manière de Michel-Ange ; il est un peu tourmenté, mais on ne peut nier que l’effet n’en soit saisissant. Voulez-vous un talent plus naturel et ayant encore de la force et de l’élévation ? donnez-vous le plaisir de rechercher aux Tuileries, dans les jardins de Versailles, dans plusieurs églises de Paris, les ouvrages dispersés de Girardon : ici le mausolée des

  1. Aujourd’hui à Versailles. Lenoir, p. 97 et p. 100.
  2. Groupe en marbre blanc qui était aux Célestins, église voisine de l’hôtel de Rohan-Chabot à la Place Royale ; recueilli au musée des Petits- Augustins, il est maintenant à Versailles. Il faut rapprocher de ce bel ouvrage le mausolée de Jacques de Souvré, grand-prieur de France, le frère de la belle marquise de Sablé, mausolée qui venait de Saint-Jean de Latran, a passé par le musée des Petits-Augustins et se trouve aujourd’hui au Louvre. Les sculptures de la porta Saint-Denis sont dues aussi à Michel Anguier, ainsi que l’admirable buste de Colbert qui est au musée du Louvre.