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appelée par ses élèves à concourir au perfectionnement de cette télégraphie scientifique, y imitera, comme elle l’a déjà fait dans d’autres services publics, la sève vigoureuse d’une instruction supérieure. Je ne puis oublier les services d’un savant et d’un praticien de premier ordre, M. Bréguet, qui a construit tout le matériel de France et celui de quelques autres états. M. Bréguet a su répondre dans ses constructions à toutes les exigences du service français, qui n’admet rien que de complètement satisfaisant, tandis qu’en Amérique on se contente trop souvent d’approximations éloignées vers la perfection. Dans les nombreuses relations que j’ai pu avoir avec les chefs de corps qui dirigent tous les genres de services publics à l’étranger, j’ai toujours trouvé qu’ils reconnaissent la supériorité de marche et la capacité de nos services et de nos établissemens français, et je pense que pour la télégraphie électrique comme pour le reste, rien ne se fait hors de France avec plus de sûreté, de régularité, de probité, ou, en un mot, avec plus d’honneur.

Les signaux transmis en Angleterre par l’agitation d’une ou de deux aiguilles aimantées sont sujets à être troublés par des courans produits par des circonstances météorologiques, des orages, des aurores boréales ou de petites convulsions intérieures de la terre, peut-être même par les brusques variations de la température. En France, on fait exclusivement usage du télégraphe à aiguilles non aimantées et donnant leurs indications sur un cadran portant des lettres. Comme on est obligé de passer sur ces vingt-six lettres ou chiffres pour faire le tour du cadran, on a obtenu une accélération notable en ne mettant que huit indications sur le cadran, en sorte qu’en prenant un double cadran on a huit fois huit, c’est-à-dire soixante-quatre indications, ce qui dépasse tous les besoins de l’alphabet. Comme on opère des deux mains, la rapidité de transmission et de lecture devient très grande dans ce cas, et peut atteindre, dit-on, près de deux cents lettres à la minute ; mais dans l’usage ordinaire et avec la sûreté qu’exige le service français, soixante lettres par minute sont déjà une vitesse de transmission considérable, et c’est plutôt la difficulté de lire que celle d’écrire qui arrête la rapidité des communications, quoique certains employés lecteurs arrivent à une promptitude de perception vraiment inconcevable.

Il n’y a donc en France que deux systèmes de télégraphes, l’un à cadran et à lettres, l’autre à deux cadrans et à deux aiguilles susceptibles chacune de huit positions. Il n’y a point jusqu’à présent de télégraphes-imprimeurs : s’il m’était permis de me prononcer là-dessus, je pense que notre système actuel sera longtemps suffisant pour l’activité probable des transmissions usuelles, et pour aller plus vite, il serait peut-être plus avantageux d’opérer avec un double système de fils et de cadrans que de pousser un seul appareil à des vitesses qui excluent toute sûreté dans les signaux transmis.

Je ne fais aucun doute que d’ici à peu d’années la France, qui a déjà profité de l’expérience de l’Angleterre et de l’Amérique, aura établi des règles sûres pour guider tous les établissemens futurs de télégraphie électrique. Il me semble qu’un bureau consultatif qui serait mis à même de provoquer des recherches expérimentales sur les points embarrassons de la pratique télégraphique servirait beaucoup au perfectionnement ultérieur et à la bonne