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de connaître les projets de chacune. Les fils de Douvres à Calais et le câble de Holy-Head à Dublin sont la propriété de deux compagnies différentes : elles sont l’une et l’autre menacées de concurrences. La distance de Port-Patrick en Écosse à Donaghadee en Irlande n’est que le tiers de la distance de Dublin à Holy-Haad, et il est question d’unir la Grande-Bretagne à l’Irlande par ce point au moyen d’un câble électrique sous-marin. D’autres personnes ont pensé à franchir la distance du moulin de Cantire à Fair-Head, qui est encore moindre, et n’excède pas 21 kilomètres, ce qui est la plus courte distance entre les deux îles.

Il est évident néanmoins que pour l’Angleterre les routes les plus importantes sont celles qui doivent la rattacher au continent, il paraît que la compagnie du télégraphe électrique de Douvres a été peu conciliante dans les arrangemens à prendre pour utiliser le système sous-marin, et le résultat est que trois autres compagnies organisant un plan de communication Internationale sans sa participation. L’une des compagnies rivales est celle qui est propriétaire du câble sous-marin de Douvres à Calais. Une autre compagnie a le projet d’établir une ligne sous-marine de Douvres à Ostende ; une troisième compagnie a établi ses fils sous terre, de Londres à Douvres en suivant la grande route des voitures ordinaires, et c’est par là, comme nous l’avons dit, que nuit et jour passent les nouvelles du continent qui arrivent à la presse anglaise. Enfin une dernière compagnie songe à une ligne sous-marine du cap de la Hogue en France à quelque point de la côte britannique. C’est une chose fort importante pour l’Angleterre qu’il y ait plus d’un télégraphe sous-marin qui la joigne au continent, pour éviter le monopole, car, sans la crainte d’une nouvelle voie sous-marine, peut-être le système actuel donnerait-il déjà naissance à plusieurs abus[1].

Un projet récemment publié, et qui a déjà reçu un commencement d’exécution par des marchés passés et des concessions obtenues ou sur le point de l’être, est celui qui, après injonction déjà presque faite du système français au système piémontais, prolongerait cette ligne télégraphique en Corse au moyen d’un fil sous-marin jeté de Corse en Italie. Un télégraphe ordinaire traverserait l’île, et un autre conducteur sous-marin unirait la Sardaigne à la Corse. Après avoir traversé, la Sardaigne, le télégraphe aboutirait à l’un des caps du sud de l’île, dans le voisinage de Cagliari, pour franchir ensuite par un câble sous-marin la distance de la Sardaigne à

  1. Il y a quelques semaines, le bruit s’était répandit que l’idée de joindre Douvres à Ostende était abandonnée. Un passage que nous tirons d’un journal anglais, l’Athenoeum du 21 mai 1853, prouve que ces nouvelles d’abandon n’avaient aucun fondement. « L’achèvement de la communication sous-marine de Douvres à Middlekirk, près d’Ostende, est un événement qui ne manque pas d’importance tant au point de vue des intérêts sociaux que de ceux de la science. On ne pouvait pas se dissimuler qu’après le peu de succès des tentatives réitérées pour établir un câble électrique dans le canal d’Irlande, le public se laissait gagner par le découragement. Réellement, après le succès du télégraphe sous-marin anglo-français, il ne restait théoriquement aucun doute sur la possibilité de faire communiquer entre elles toutes les nations par des réseaux de fils électriques ; mais comme les essais infructueux s’accumulaient de plus en plus, il était possible de supposer que les industriels, tout en admettant la théorie comme parfaitement infaillilile, ne craignissent d’avoir trop longtemps à en attendre la réalisation pratique. La ligne ouverte avec la Belgique est une nouvelle et évidente preuve que la science est parfaitement en mesure de surmonter tous les obstacles qui pourraient se présenter dans l’établissement des fils sous-marins. Quant aux avantages sociaux et commerciaux, cette ligne est d’une très grave importance. C’est pour nous une seconde grande route de communication avec toutes les nations européennes, surtout lorsqu’on réfléchit qu’en cas d’éventualités, sans doute peu probables, mais enfin non impossibles, cette voie serait bien plus à notre disposition que celle de Douvres à Calais. En outre elle est plus directe et se relie plus immédiatement avec le grand système central des chemins de fer de l’Europe. Non-seulement c’est la voie la plus courte, mais nous pouvons dire la plus naturelle, car c’est à Ostende que se trouve la tête de tous les chemins de fer allemands, et par suite de tous ceux du continent, qui aboutissent en grand nombre aux rives du Rhin, soit dans la partie supérieure, soit dans la partie inférieure de son cours. »