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C’eût été déposer toutes ses passions. Cependant il était pour la paix, celle d’Utrecht était son ouvrage : les efforts dirigés contre elle sur le continent semblaient favoriser les Stuarts, désormais l’objet de son aversion ; mais il trouvait un malicieux plaisir à voir des whigs encourir une certaine impopularité pour leur esprit pacifique, et il faisait des rapprochemens sévères sans tenir compte, bien entendu, du changement des intérêts et des circonstances. À défaut du but, il pouvait critiquer les moyens, et même on sait aujourd’hui que dans la conduite des affaires étrangères Walpole n’avait pas tout approuvé. Mais ce qui intéressait le plus Bolingbroke, c’était l’état des partis en Angleterre. Les questions politiques n’avaient pour lui de valeur qu’autant qu’il y trouvait des points d’attaque et les moyens d’aigrir de nouveau les esprits, car il jugeait que les anciennes divisions avaient fait leur temps.

Les jacobites purs étaient inébranlables ; tout accès auprès d’eux lui était fermé. Heureusement il s’en trouvait de moins fervens et de moins opiniâtres. Convertis ou fatigués, ceux-ci pouvaient garder au fond de l’âme, comme ressource éventuelle, un jacobitisme spéculatif ; mais ils l’ajournaient prudemment, et prenaient conseil des circonstances. Les tories grossissaient leurs rangs en ralliant ces jacobites sur leur droite, et les hanovriens sur leur gauche, ou plutôt ces deux fractions composaient presque tout le parti tory. Ce nom d’ailleurs ne désignait plus un parti ayant de certains principes à faire triompher. Les questions de prérogative, de droits populaires, de révolution, avaient été résolues par les événemens. L’esprit whig avait gagné presque toutes les positions constitutionnelles. Les tories ne pouvaient songer à réagir contre les faits accomplis. Ils formaient toujours un parti conservateur, puisque ce parti s’appuyait principalement sur les classes de la société dont l’esprit et l’intérêt est le plus stable ; seulement, sous le coup d’un pouvoir manié avec vigueur par d’anciens adversaires, ils ne pouvaient songer qu’à se défendre, et toute opposition est tôt ou tard forcée d’invoquer des principes de liberté.

Sir William Wyndham était à tous les titres, dans la chambre des communes, le premier de ces hommes qui, faisant taire leurs sympathies ou les réservant, pour des temps meilleurs, concevaient à la manière de Bolingbroke la possibilité de reprendre constitutionnellement dans le nouveau régime leur part de crédit et d’influence. Riche, noble, gendre du duc de Somerset, recommandable par son caractère moral, par sa constance politique, on ne lui reprochait qu’un peu de raideur et d’orgueil ; mais l’expérience des hommes avait atténué ses défauts et développé des talens auxquels les meilleurs juges ont rendu hommage. Il avait moins ces qualités naturelles