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gouverneur trouvait l’expression sur tous les visages qu’il rencontrait.

Avant son entrée à Sétif, sa venue avait été célébrée par une des plus éclatantes fantasias que j’aie encore vues. J’ai assisté à un bien grand nombre de ces fêtes sans en être fatigué, car on ne se fatigue pas de la poudre et des chevaux, mais je puis dire que j’ai perdu depuis longtemps l’habitude d’en être ému : eh bien ! je me sentis remué par la fantasia de Sétif. Tout ce que la province de Constantine renferme de plus hardis et de plus brillans cavaliers était là. Cette race guerrière des Mokrani, à qui les traditions assignent une héroïque et romanesque origine, avait voulu se produire dans toute sa magnificence. On voyait, comme aux courses d’Alger, les selles étincelantes, les caparaçons aux riches couleurs, les splendides costumes faisant des apparitions subites sous les bernous qu’agite le vent ; seulement, par un effet de l’imagination peut-être, tout cela avait, sur le plateau de Sétif, un aspect plus imposant que sur le terrain de Mustapha. On sentait un autre appareil que celui des carrousels ; puis le théâtre de ces pompes n’était plus le même : il n’y avait là ni arène ni spectateurs, mais un pays sur lequel planait la guerre, et des hommes prêts au combat.

Le gouverneur employa les rapides journées qu’il passa sous les murs de Sétif à préparer ses opérations militaires et à inspecter ses troupes. On peut dire que le camp offrait une admirable réunion de toutes les armes. Les trois régimens de zouaves avaient là leurs colonels et leurs drapeaux. À cette vaillante infanterie, où sont en vigueur toutes les traditions de la guerre africaine, se joignaient des régimens de ligne éprouvés déjà par plus d’un combat, par de rudes travaux, par de longues marches, et un bataillon de tirailleurs indigènes, le bataillon de Constantine, où l’on retrouvait, sous des traits étrangers d’une originalité piquante et vive, le courage, l’entrain, la discipline de nos soldats. La cavalerie, moins nombreuse que les autres corps, parce que l’expédition devait se passer tout entière dans les montagnes, était représentée par deux escadrons de chasseurs d’Afrique et un escadron de spahis, sous les ordres du prince de la Moskowa. Le génie, appelé à jouer un rôle important dans un pays difficile, inconnu, où l’on allait marcher avec la sape et la mine, avait fourni un nombreux état-major que dirigeait le général de Chabaud-Latour. Rien n’avait été négligé de ce qui peut rendre d’avance une armée maîtresse de son champ de bataille et de ses ennemis.

Le gouverneur, avant de quitter Sétif, adressa aux troupes un ordre du jour qui traduisait les pensées dont tous étaient animés. Il montrait aux soldats ces montagnes qui se dressaient à l’horizon de notre camp ; il leur disait que bientôt leurs cris de victoire retentiraient