Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

UN


HIVER EN CORSE


RECITS DE CHASSE ET SCENES DE LA IE DES MAQUIS.




I

Vers la fin de novembre 1848, nous avions débarqué à Ajaccio, un de mes amis et moi, le fusil en bandoulière et nos chiens en laisse. Nous venions là prendre notre revanche d’un passage de bécasses vainement attendu sur les coteaux du Dauphiné. Les chasseurs émigrent volontiers dans ces journées déjà froides de l’automne, où les bandes d’oiseaux voyageurs dessinent leurs triangles sur les nuages argentés. Nos premiers essais en Corse n’avaient pas été heureux. On voit du port de la ville quatre ou cinq promontoires qui découpent le rivage opposé : Capitello, l’Isolella, la Torre della Castagna, Capo-di-Muro. Toujours poussés en avant par la disette de gibier, nous avions visité successivement tous ces caps jusqu’à l’extrémité du golfe. Il faut l’avouer, malgré deux bonnes journées à Capo-di-Muro, nous étions inquiets pour l’avenir ; mais le moyen de se plaindre quand on déjeune sur le sable de la grève, devant un des plus beaux golfes du monde, auprès d’un grand feu sur lequel on fait griller des andouilles embrochées dans une baguette de myrte, au pied de rochers de granit rose ! D’ailleurs, la ville d’Ajaccio a aussi son charme ; Naples elle-même n’a pas un climat plus beau. Au milieu de la ville, il y a des allées d’orangers qui sont couverts de fruits à la Noël ; la route de la Chapelle des Grecs, entre la mer et les jardins, adossée à un coteau qui la défend de la bise, peut rivaliser