Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour le Canada. Cette même année 1701, une troupe de colons alla s’établir à Détroit, position avantageuse que le père Hennepin avait découverte lorsqu’il marchait en avant-garde comme compagnon de La Salle, et dont il avait dit : « Ceux qui auront le bonheur de posséder un jour les terres de cet agréable et fertile pays auront de l’obligation aux voyageurs qui leur en ont frayé le chemin. » Ce point devait relier le Canada à la Louisiane ; il était comme la clé de voûte de l’édifice qu’il s’agissait de consolider. Cependant la guerre de succession venait d’éclater. La France n’avait qu’une population de 18,000 habitans, dispersée sur de grands espaces, à opposer aux 262,000 habitans des colonies anglaises. Confians en leur propre valeur, les colons canadiens proposèrent tout simplement au gouvernement français de conquérir la Nouvelle-Angleterre. D’Iberville offrait d’enlever Boston et New-York en plein hiver ; il ne demandait que 1,000 Canadiens et 400 soldats. Le traité de Montréal, conclu avec les Indiens, assurait la paix du côté de l’ouest et du sud-ouest. Il s’agissait donc de pousser à de nouveaux combats ces sauvages que l’on avait eu tant de peine à calmer. Ceux-ci commençaient à se lasser de ces expéditions multipliées entreprises pour le compte des blancs, et qui troublaient sans cesse leurs solitudes. L’un d’eux disait avec fierté, et non sans raison : « Il faut que ces gens-là aient l’esprit bien mal fait. Après la paix conclue, un rien leur fait reprendre la hache. Nous, quand nous avons fait un traité, il nous faut des raisons puissantes pour le rompre. » L’alliance des Indiens était avidement recherchée par les deux nations ; Anglais et Français se la disputaient avec plus d’acharnement que de dignité. Le gouverneur du Canada, redoutant les menées de l’ennemi et se sentant trop faible pour se défendre sans le secours des auxiliaires sur lesquels il s’habituait à compter, résolut de prendre l’offensive et de compromettre les Indiens au début de la campagne. Il lança une de leurs tribus du côté de Boston. Chaussés de longues raquettes, Indiens et Canadiens traversèrent la forêt sur une neige haute de quatre pieds, en plein hiver, et s’élançant, comme des patineurs, à travers le pays ennemi, où personne ne les attendait, ils se mirent à le ravager à leur aise, pillant les bourgades et détruisant les fermes. Contrairement aux usages de l’époque, les Canadiens accueillirent avec bienveillance les prisonniers qui tombèrent entre leurs mains. Ceux qui étaient jeunes finissaient par embrasser le catholicisme, et on leur accordait volontiers des lettres de naturalité ; mais pour quelques-uns que l’on arrachait ainsi à la mort, combien d’autres tombaient sous la hache des sauvages !

Cette première expédition fut le prélude de beaucoup d’autres accomplies avec la même audace. Les Canadiens excellaient dans ces