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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/351

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maître ou de payer les marchandises sur leur valeur usuelle au temps de leur arrivée au continent, ou de les recevoir suivant les prix d’achat, les retards et les assurances, avec une commission proportionnée aux peines et soins qu’il est impossible de fixer aujourd’hui. J’entends servir votre pays comme s’il était le mien propre, et j’espère trouver dans l’amitié d’un peuple généreux la véritable récompense de mes travaux que je lui consacre avec plaisir. »


L’agent du congrès accepte avec reconnaissance cet arrangement par la lettre suivante, qui nous donnera en même temps une idée des difficultés de l’entreprise et par conséquent des services rendus par Beaumarchais :


« Paris, ce 24 juillet 1776.

« Monsieur, j’ai lu avec attention la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 22, et je pense que vos propositions pour le règlement du prix des marchandises et fournitures sont justes et équitables. La généreuse confiance que vous placez dans la vertu et la justice de mes constituans m’inspire la plus grande joie, me donne les espérances les plus flatteuses pour le succès de l’entreprise à leur satisfaction aussi bien qu’à la vôtre, et me permet de vous assurer de nouveau que les colonies unies prendront les mesures les plus efficaces pour vous envoyer des retours et justifier sous tous les rapports les sentimens qui vous animent pour elles. Toutefois, comme le prix des effets d’équipement seuls s’élèvera déjà à 2 ou 3 millions et comme les canons, les armes, les munitions, feront monter la somme beaucoup plus haut, je ne puis, à cause de l’incertitude de l’arrivée des navires pendant la guerre, aller jusqu’à vous affirmer que des retours pour la totalité vous seront faits dans les délais indiqués ; mais dans ce cas, ainsi que je vous l’ai écrit antérieurement, je compte qu’on vous allouera pour la balance un intérêt satisfaisant. Quant aux cargaisons envoyées d’Amérique, soit en France, soit aux Indes occidentales, à titre de retours pour vos avances, je pense qu’il n’y a aucune objection à ce qu’elles soient adressées, soit à votre maison en France, soit à vos agens partout où elles pourront arriver.

« Je vois ici que l’exportation des canons, armes et autres munitions de guerre est prohibée, et que par conséquent ces objets ne pourront être exportés qu’en secret. Cette circonstance me donne beaucoup d’inquiétudes, car si je ne puis les embarquer publiquement, je ne puis ainsi me les procurer ouvertement sans éveiller des alarmes qui seront peut-être fatales à nos opérations. Vous savez que l’ambassadeur d’Angleterre est attentif à tout ce que je fais, que ses espions surveillent tous mes mouvemens, et surveilleront probablement de même tous les mouvemens de ceux avec qui je serai en relation. Dans une telle situation, connaissant très peu votre langue, je prévois bien des difficultés auxquelles je ne sais comment faire face, et qui vous embarrasseront peut-être beaucoup vous-même, malgré votre intelligence supérieure et votre habileté. Deux choses, vous en conviendrez, sont dans ce moment aussi essentielles que de se procurer les canons, les armes, etc., etc. : la première, c’est que les objets soient de bonne qualité[1] ; la seconde, qu’ils

  1. On a écrit souvent que les fournitures faites par Beaumarchais au congrès étaient