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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/549

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le journal de Masselin enregistre quelques mots hardis de certains députes des deux premiers ordres, il constate que dans cette assemblée le tiers ne se passionna que pour la suppression des tailles et la rédaction par écrit des coutumes, double préoccupation qui correspondait au soin constant de ses intérêts et à sa tendance non moins constante vers l’unité de législation civile.

Depuis le règne de Louis XI jusqu’au réveil des passions publiques par les guerres de religion, les états-généraux, irrégulièrement convoqués, exercèrent sur les affaires une influence de moins en moins prononcée. Ils furent, en effet, insensiblement supplantés dans leur action politique par ces grandes cours judiciaires qu’avait instituées la royauté pour appliquer les lois du royaume, et qui, par des miracles de patience et d’habileté, parvinrent à transformer une pure formalité d’enregistrement en droit de remontrance, et bientôt après en droit de contrôle. Ce surcroît de puissance ne profita d’ailleurs qu’à la bourgeoisie, puisque de ses rangs sortaient presque tous les magistrats du royaume, et que par la vénalité des offices ceux-ci réussissaient à transformer leurs charges en propriétés presque indépendantes. Déjà d’ailleurs l’universelle impulsion sortie de la renaissance était venue donner aux classes intermédiaires une importance sociale spontanément acceptée par les classes élevées et consacrée par les témoignages les plus éclatans de la faveur royale. L’Italie envahie par les armes françaises, et dont les destinées se liaient alors étroitement aux nôtres, avait donné à la cour, comme à la noblesse militaire, le goût des lettres et des arts, et la contemplation de ses chefs-d’œuvre avait transformé le génie national. Le tiers-état se vouait seul à ces études et à ces œuvres de l’esprit qui allaient devenir une glorieuse profession ; c’était de ses rangs que sortaient aussi ces artistes, imitateurs et rivaux de ceux que nous envoyait l’Italie, et dont les constructions, répandues comme des diamans innombrables sur tous les points du territoire, signalaient les surprenans progrès de cette société dans toues les voies de l’intelligence et du goût comme dans celles de la richesse. Durant l’ère trop courte, dans sa magnifique fécondité, qui suivit les guerres calamiteuses avec l’Angleterre et précéda de si peu les sombres luttes de la réformation, il s’ouvrit de toutes parts des sources nouvelles de prospérité et de grandeur. « L’industrie, le commerce, l’agriculture, la police des eaux et forêts, l’exploitation des mines, la navigation lointaine, les entreprises de tout genre et la sécurité des transactions civiles furent l’objet de dispositions législatives dont quelques-unes sont encore en vigueur. Il y eut continuation de progrès dans les arts qui font l’aisance de la vie sociale et que le tiers-état pratiquait seul, et il y eut dans la sphère plus haute de la pensée et du savoir un élan spontané de toutes les facultés