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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/620

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Depuis plus de quinze jours, tous les murs de Londres et des autres villes d’Angleterre étaient couverts de grandes affiches annonçant pour le 13 de ce mois l’agricultural show de Glocester. Tous les.journaux en avaient d’avance parlé avec détail. On s’en entretenait presque autant que du camp de Chobham et de la grande revue passée par la reine. Ici. dès qu’il s’agit de l’agriculture, toutes les attentions sont éveillées ; ceux même, qui ne s’y intéressent pas veulent avoir l’air de s’y intéresser, pour obéir à la mode, il y a bien peu de familles riches qui ne comptent au moins un membre dans la Société royale, et dans le monde le plus élégant, l’agriculture est un des sujets de conversation les mieux goûtés. La période de transition et de crise que l’agriculture anglaise vient de traverser ajoute à l’intérêt habituel qu’elle inspire. Tout le monde veut savoir si de nouveaux perfectionnemens sont introduits dans la production du bétail, et surtout si l’emploi des machines, que l’on considère comme devant avoir un jour pour la culture les mêmes conséquences que pour l’industrie, fait des progrès. Rien ne manquait donc à l’attraction de la fête, comme disent nos voisins.

Glocester est une ville d’environ 40,000 âmes, à 114 milles anglais ou 45 lieues de Londres. On y va par le great Western Railway. Parti de Londres à huit heures et demie du matin, j’étais à Glocester vers une heure de l’après-midi. Le Chemin de fer remonte la vallée de la Tamise jusque près de sa source ; on traverse les comtés de Bucks et de Berks, on passe sur les limites de ceux de Wilts et d’Oxford. Jusqu’à Reading, c’est l’argile tenace des environs de Londres ; après Reading, la chaîne crayeuse qui court du comté de Cambridge à celui de Wilts ; après Didcot, le terrain oolilique du sud-ouest ; on arrive à Glocester par les plateaux ou costwolds. Sur tout ce parcours, notamment dans la partie crayeuse, le sol est généralement plus que médiocre. Le paysage n’est cependant pas sans charme ; partout ce sont les mêmes champs carrés, entourés de haies, où se succèdent les cultures de l’assolement quadriennal ; ici le sol prépar » pour les turneps ; plus loin, de l’orge ou de l’avoine, puis du trèfle, et enfin du froment ; de distance en distance, quelques prairies qui venaient d’être fauchées et dont le foin blanchissait sous la pluie, et de nombreux pâturages livrés au bétail.

La ville de Glocester avait bien fait les choses. Toutes les rues ornées d’arcs de triomphe de feuillage, toutes les maisons pavoisées de drapeaux aux couleurs nationales, les guirlandes de fleurs formant des devises appropriées à la circonstance : Honneur à l’agriculturel Dieu protège la charrue ! Le mot welcome, bienvenue, inscrit de toutes parts, la population entière sur pied, les saltimbanques, les théâtres ambulans, les chanteurs des rues, les marchands de bruits et de ginger beer, tout avait un air de fête. Après avoir jeté un coup d’œil sur la cathédrale, qui a une grande réputation, et qui la mérite, je m’acheminai avec le nombreux concours de curieux arrivés en même temps que moi vers le théâtre de l’exposition, situé à un mille anglais de la ville. La route était couverte d’omnibus, de voitures, de cavaliers, de piétons, qui allaient et venaient sans cesse.

Suivant l’usage éternellement suivi en Angleterre, on payait à la porte pour entrer dans l’enceinte, une demi-couronne ou un peu plus de 3 francs pour voir les machines, le lendemain une autre demi-couronne pour voir les