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Lord Ducie, qui vient de mourir après avoir rendu tant de services à l’agriculture anglaise, avait fait décider par la Société royale que les animaux trop gras pour faire de bons reproducteurs ne seraient pas admis au concours de Glocester. Cette réforme était devenue nécessaire ; pour obtenir les prix, les éleveurs poussaient leurs animaux de concours à un tel état d’obésité, que quelques-uns pouvaient à peine se soutenir. Outre que ces prétendus reproducteurs n’étaient plus bons qu’à abattre, les consommateurs commencent à s’insurger contre l’excès de graisse que présente quelquefois la viande de boucherie. Les Anglais aiment plus que nous la viande grasse, mais il y a une borne à tout, et le but allait évidemment être dépassé. L’exclusion prononcée sur la proposition de lord Ducie a donc satisfait à un besoin de l’opinion, mais elle n’a pas été aussi bien reçue parmi les éleveurs. Plusieurs d’entre eux, et des plus éminens, n’ont pas paru au concours sous prétexte qu’il était fort difficile de saisir le point précis où un animal était assez gras pour avoir toute sa beauté, sans l’être trop aux yeux de la Société royale. De là la froideur qui s’est fait sentir à l’exposition de Glocester, comme il arrive toujours dans les momens de transition. Il est possible aussi que la pluie diluvienne, une de ces pluies comme on n’en voit qu’en Angleterre, et dans l’ouest de l’Angleterre, qui n’a cessé de tomber pendant trente-six heures, et qui avait rendu impraticables les abords de l’exposition, ait eu son influence sur les dispositions des curieux.

Rien n’est plus difficile que la rédaction d’un bon programme pour un concours d’animaux. Toute sorte de questions s’y rattachent. Les races de bétail sont multiples, elles varient suivant les natures du sol et les besoins économiques, la plupart de leurs qualités s’excluent mutuellement, et il est à peu près impossible de les ramener à un type unique de perfection. Voyez, par exemple, le bétail à cornes : on peut lui demander principalement, suivant les lieux, ou du travail, ou du lait, ou de la viande ; or, les meilleures races de travail étant peu laitières et peu propres à la production rapide de la viande, si vous primez le travail, vous excluez les grandes qualités du laitage et de la boucherie, et si vous primez celles-ci, vous excluez le travail. Il y a plus, même en primant à part chaque qualité spéciale, comme le travail, la viande ou le lait, il y a des races qui sont plus travailleuses, plus laitières et plus propres à la boucherie que les autres, et comme il n’est pas possible d’avoir ces races partout, parce qu’elles ne s’accommodent pas également de tous les climats et de toutes les autres conditions de culture, si vous les admettez au concours là où elles ne sont pas naturalisées, vous excluez par ce seul fait les races du pays qui leur sont inférieures, mais mieux appropriées qu’elles aux circonstances locales, et si vous ne les admettez pas, vous ne présentez pas au cultivateur des types supérieurs à ceux qu’il possède, vous ne le poussez pus dans la voie du progrès.

La Société royale a pris son parti, elle prime par races. Ainsi, pour les bêtes à cornes, elle admet quatre catégories qui concourent pour des prix spéciaux, les courtes-cornes, les Hereford, les Devon et toutes les autres races réunies ensemble ; à Glocester, elle a fait en outre une catégorie spéciale pour les races du pays de Galles, à cause du voisinage de cette région exceptionnelle ; pour les moutons, elle admet trois catégories, les Leicester d’abord, les Southdown