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8 avril 1778, pour être autorisé à lui délivrer cette nouvelle somme, est motivé ainsi :


« M. le comte de Maurepas ayant autorisé l’année dernière, de l’ordre de votre majesté, le sieur de Beaumarchais à faire un envoi de 15,000 fusils dans l’Amérique septentrionale, avec promesse d’en être remboursé, le sieur de Beaumarchais sollicite pour qu’il lui soit payé une somme de 360,000 livres, valeur desdits fusils, etc. »


Au bas de ce rapport, le roi écrit bon, et Beaumarchais touche les 360,000 livres en question. Seulement il paraît qu’on trouvait qu’il avait reçu assez d’argent pour toute cette affaire, et qu’on tenait à ce qu’il jurât ses grands dieux de n’en pas demander davantage ; c’est ce qu’indique la forme assez bizarre de son dernier reçu des 360,000 livres, qui est rédigé ainsi :


« Je reconnais que sa majesté a bien voulu me rembourser de quinze mille louis que j’avais avancés pour des objets relatifs à son service. Je les reçois avec reconnaissance en cet instant où j’en ai le plus grand besoin ; mais ces objets ayant cessé, je m’engage d’honneur, et sous toutes les formes possibles, à ne rien réclamer davantage du trésor royal, quelque face que prennent les affaires de mon commerce, assurant humblement sa majesté qu’à moins de nouveaux ordres de sa part, je n’engagerai pas un écu de plus dans mes affaires qui ait aucun rapport avec celles de sa majesté.

« Caron de Beaumarchais. »
« À Paris, ce 18 avril 1778. »


C’est en effet là le dernier reçu de Beaumarchais qui ait trait aux fournitures américaines. Toutes les sommes que nous venons de mentionner ont été incontestablement données pour concourir à ces fournitures. C’est ce qui résulte du rapport de M. Durival à M. de Vergennes, du 5 septembre 1786, à propos de la demande faite par le banquier des États-Unis. Tous les paiemens faits à Beaumarchais y sont récapitulés sur une feuille à part avec ce titre : Paiemens ordonnés pour le service de l’Amérique, mais ce rapport confirme en même temps la thèse générale que nous avons constamment soutenue, car si l’on y trouve la preuve que M. de Vergennes avait donné plus d’argent que nous ne le pensions d’abord, on y trouve aussi la démonstration que c’était au ministre seul, non aux Américains, que Beaumarchais devait rendre compte de l’argent reçu. Il reste également certain que la politique relativement à l’Angleterre suffisait pour faire en 1776 à M. de Vergennes une loi de vouloir que l’opération eût un caractère commercial, non fictif, mais réel, et que Beaumarchais, en lui donnant ce caractère, suivait les instructions du ministre. Si, dans les années 1777 et 1778, qui furent les années décisives pour les destinées de l’Amérique, les insurgens avaient