après quelques paroles ironiques, elle s’empara des plaintes de l’enfant inoccupée : — Soyez tranquille, reprit-elle ; si la besogne vous fait faute, je ne vous en laisserai pas manquer. Pendant que je vais en bas, préparez-moi ces assiettes et ces verres que je vais laver tout à l’heure… »
Mais la Bible, direz-vous ? nous voici bien loin de la Bible. Pas le moins du monde ; la Bible ne quitte pas Ellen. Quand le désespoir gagne cette enfant poussée à bout, on le conçoit, par la dureté de sa tante, c’est dans sa petite Bible qu’elle trouve une consolation, dans sa Bible et dans l’amitié d’une jeune fille qui, fort à propos, l’a rencontrée un jour où des pensées fatales l’assiégeaient de toute parts. Alice Humphreys a un frère, beau jeune homme voué au service divin, qui, trouvant Ellen installée chez lui, se prend d’amitié pour cette « petite sœur, ». Puis, comme il arrive souvent en pareille occurrence, à mesure qu’Ellen grandit, cette amitié devient de l’amour. Il y a des nuances originales dans ce progrès d’un attachement des deux côtés également pur, et la Bible intervient ici de nouveau, interprète de sentimens qui s’ignorent encore. Ne joue-t-elle pas un rôle à peu près semblable dans les amours bien autrement tristes de Kitty Bell et de Chatterton ? Ceux d’Ellen Montgomery et de John Humphreys sont destinés à une meilleure issue ; mais après combien de peines sérieuses la pauvre fille n’en vient-elle pas à ce port de salut qu’on appelle le mariage ! Les raconter en détail serait impossible et inutile. Ce n’est point par le fond des événemens que subsistent les romans de mistress Wetherell. Tout leur mérite est dans l’invention de chaque incident, la mise en œuvre des plus menus faits de la vie la plus humble et la plus terre-à-terre. Nous en avons indiqué plusieurs. On peut bien par ceux-là juger des autres.
Ce qu’il faut admirer après tout, ce n’est pas tant le talent qu’on déploie à cet examen microscopique de l’existence vulgaire que l’intérêt toujours croissant dont ce travail est l’objet. Le moindre individu, s’il est peint et regardé à la loupe, devient sympathique à la foule, qui se reconnaît dans cette reproduction strictement fidèle. Jadis les rois seuls occupaient les planches du drame ou les pages de la fiction ; si les bergers s’y montraient parfois, on sait à quelles conditions et grâce à quelles bizarres métamorphoses. Aujourd’hui le roi est à la porte, et le berger trône : il trône en blouse, les bras nus, vêtu de toile bise et sans la moindre houlette, armé du fouet comme Van Brunt ou, comme le Champi, du fléau berrichon. Il faut savoir s’accommoder de cette pacifique révolution, sans l’épouser toutefois dans ses exagérations puériles, sans substituer systématiquement, par exemple, l’étude du manant au culte des héros. C’est ce que semble avoir compris mistress Wetherell dans son second roman, Queechy.