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entre la France et nous ? — Eh bien ! monsieur, reprit le roi avec une expression de déplaisir, je vous accorde le danger de voir la Belgique conquise par la France, c’est beaucoup ; mais ne peut-elle pas être reprise ? Ne l’avons-nous pas vu à Waterloo ? » Cette réponse surprit d’autant plus l’interlocuteur, qu’il avait appris qu’on disait déjà dans le monde diplomatique que quand même, par suite d’événemens imprévus, la Belgique se trouverait de nouveau à la disposition de l’Europe, comme en 1814, on ne rétablirait jamais le royaume des Pays-Bas sur ses anciennes bases. Le roi affectait de croire que la révolution d’août avait été amenée par la représentation de la Muette et la négligence des autorités, comme si ces grandes commotions populaires ne tenaient pas toujours à des causes plus sérieuses que les incidens secondaires qui en sont seulement l’occasion. Il semblait ne pas comprendre à quel point la Belgique était perdue pour lui. « Ce sont, disait-il à tout propos, des choses de ce bas monde qui s’arrangeront. » Tous les événemens du dehors lui rendaient sa confiance. Un jour, ce sont les troubles qui éclatent à l’enterrement du général Lamarque en France : il croit déjà à une révolution accomplie. On annonce qu’une flotte russe s’avance dans la Baltique ; il y voit un secours protecteur. Une tempête agite l’océan ; il s’imagine qu’elle a pu, en détruisant la flotte et l’armée de dom Pedro, venir en aide à dom Miguel, dont il associe la cause à la sienne. On dit devant lui qu’à Bruxelles on remeuble à neuf le palais du roi : « Tant mieux, reprend-il, je n’ai rien contre. » Et il ne manque pas de se trouver un courtisan qui s’empressa d’ajouter : « Les Français ont déjà une fois meublé des palais pour nous. » On comptait beaucoup sur les fautes des Belges, mais on se trompait encore. M. Van der Duyn écrit à ce sujet quelques ligues qui méritent d’être citées : « Le dîner de réception donné à lord Ponsonby par le comité diplomatique s’est fort convenablement passé. Ce diplomate, ainsi que M. Cartwright, ont été particulièrement contens du ton et des formes de M. Van de Weyer, président du comité. On m’assure aussi que les notes échangées entre le gouvernement provisoire belge et le gouvernement britannique sont rédigées dans un très bon style diplomatique : nouvelle preuve que ce n’est pas l’habileté qui manque de ce côté-là, ainsi qu’en général de nos jours elle est du côté des hommes nouveaux et de la jeunesse. Les vieilles races aristocratiques ont dégénéré, et cela aussi explique la nécessité des révolutions populaires et la facilité avec laquelle elles s’opèrent. »

Après de longues négociations, des protocoles sans fin et des lenteurs dont Guillaume avait profité pour essayer de surprendre la Belgique le 4 août 1832, tentative périlleuse et qui donna lieu, comme on