difficultés ne tardèrent pas à naître. Aux villes cédées en compensation de la démolition du port de Dunkerque, Louis XIV voulait qu’on ajoutât Tournai, et cette demande semblait exorbitante. L’électeur de Hanovre refusait d’adhérer aux stipulations qui le concernaient, prétextant que la reine était jeune, que sa mère était vivante, qu’il ne pouvait ni prendre la qualité d’héritier de la couronne d’Angleterre, ni comme prince allemand se séparer de l’empereur et des Hollandais. On pouvait se passer de l’un, et Saint-John ne négligea aucune occasion de le lui faire sentir. Quant aux autres, leur concours était indispensable. Ils se firent prier ; mais ils obtinrent presque tout ce qu’ils voulurent, même un nouveau traité de barrière. Les questions de commerce furent très-longues à résoudre. Il y eut de grandes contestations pour Terre-Neuve et la pêche de la morue. Dans les premiers mois de 1713, Bolingbroke crut plus d’une fois que tout allait se rompre. « Nous sommes en ce moment, écrivait-il à Prior le 22 janvier, dans la crise de notre maladie. Nous mourrons tout d’un coup, ou tout d’un coup nous serons guéris. » Mais il ne se découragea pas ; il résista, il céda ; il mêlait les argumens aux supplications et quelquefois les menaces ; il dit à Prior, qu’il avait laissé à Paris, et son négociateur de prédilection : « Que M. Torcy se rappelle son voyage à La Haye, et qu’il compare les plans de 1709 et de 1712. » Et une autre fois : « Dites-lui que s’il ne s’accorde pas avec la reine, je cours risque d’être un réfugié… Par le ciel ! les Français en usent comme des colporteurs, et ce qui est encore pis, comme des procureurs. » Enfin, quand tout fut terminé : « La paix est conclue, et je remercie votre amitié du compliment qu’elle m’en fait. J’ai acquis quelque expérience, et c’est tout ce que j’en attends, outre le bien public. J’ai appris qu’on ne doit jamais désespérer, et que la persévérance compense beaucoup de défauts dans les mesures et dans la conduite. J’ai appris aussi qu’en Angleterre du moins faire peu vaut mieux que faire beaucoup, et que ne rien faire vaut mieux que l’un et l’autre. » Ceci était à l’adresse du comte d’Oxford.
Le vendredi saint, 3 avril, v. s., Bolingbroke vit enfin arriver d’Utrecht son frère, George Saint-John, annonçant que les traités avaient été signés le mardi précédent par les ministres de toutes les puissances, excepté l’empereur, et le secrétaire d’état s’empressa de porter à Whitehall cette grande nouvelle ; puis il rentra chez lui, car il avait du monde à dîner, et il entretint ses convives de l’événement de la journée. Nous savons exactement qui dînait chez lui ce jour-là. Ce n’était pas moins que Joseph Addison. Swift, qui malgré des refroidissemens passagers voyait sans cesse l’homme dont il préférait la conversation à toute autre, avait demandé à Bolingbroke de l’inviter. On ne refusait rien quand il s’agissait d’Addison, Swift s’attendait