long et sanglant drame de la guerre de la succession. Pour justifier d’une manière relative ce qu’il ne défend pas en soi, Bolingbroke donne pour raisons qu’il fallait bien conclure la paix d’une façon quelconque, et que la résistance de la Hollande et de l’empire, en divisant dans les négociations la grande alliance, forçait chaque puissance à se contenter de conditions inférieures à celles que toutes réunies elles auraient pu obtenir. C’est là répondre à la question par la question ; cette division même était son ouvrage ; c’est la paix absolument voulue et cherchée séparément par l’Angleterre, qui avait d’avance affaibli et désarmé les négociateurs, et ce que Bolingbroke accuse, c’est ce qu’il a fait. Nous sommes donc forcé de conclure que dans cette grande affaire, ni l’intérêt, ni la dignité, ni la loyauté de l’Angleterre n’ont été assez pris à cœur par son gouvernement, et que le ministère auteur de la paix d’Utrecht méritait du parlement une censure qui pouvait aller jusqu’à l’accusation politique.
Mais que cette accusation dût donner lieu à un procès et ce procès à une condamnation, on en peut douter. Sans contredit, l’article 8 de la grande alliance avait été outrageusement violé[1] : on avait traité sans les alliés, contre les alliés, et de cette première violation avaient découlé tous les artifices employés pour forcer ou dérober leur consentement, pour éluder ou paralyser leur résistance, toutes les omissions et toutes les faiblesses qui laissèrent sans garanties suffisantes les grands intérêts qui avaient mis aux Anglais les armes à la main. Toutefois, à ces griefs constatés on pouvait opposer qu’ils incriminaient une politique encouragée par une opinion publique puissante, par la majorité des communes, et formellement approuvée dans ses actes et dans ses résultats par décision de deux parlemens. Il n’y a rien d’assuré, rien de définitivement jugé dans le régime constitutionnel, si l’approbation explicite des chambres ne met pas la politique qu’elles sanctionnent à l’abri, non des reviremens de l’opinion et des appréciations d’une majorité nouvelle, mais des poursuites, ou tout au moins des rigueurs judiciaires. — Cet argument de Wyndham nous parait très fort, et il aurait pu suffire pour préserver les ministres de la reine Anne, non du blâme, mais de la peine. Pour qu’il cessât d’être valable, il aurait fallu qu’il fût infirmé par la découverte postérieure aux votes parlementaires d’un cas formel de trahison. Or c’est ce que n’alléguèrent point les accusateurs. Dans les articles portés devant la cour des pairs, il n’est question que de forfaiture politique.
Cependant une arrière-pensée était dans tous les esprits, celle d’une conspiration au moins tacite du ministère avec les Stuarts.
- ↑ Texte de cet article : Neutri partium fas sit, belou semel incepto, de pace cum hoste tractare, nisi conjunctim et communicatis consitiis cum altera parte.