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académies. Leurs livres peints se rapportent à la division de la propriété, au cadastre, à la perception des impôts, à la législation pénale, au calendrier; mais ils avaient aussi des annales en tableaux. On sait qu’ils possédaient des chants historiques, et on a des traductions d’hymnes religieux et moraux composés au XVe siècle par le roi de Tezcuco, Nazahualcoyotl, qui tenta d’abolir les sacrifices humains. Tezcuco passait pour la ville savante et littéraire. C’était l’Athènes du Mexique.

Ces poésies du roi de Tezcuco sont remarquables par une sorte de mélancolie prophétique. Dans un hymne philosophique sur la fragilité des choses humaines, j’ai été frappé d’une singulière ressemblance entre les lamentations du prince mexicain et les effusions mélancoliques, tour à tour si amères et si gracieuses, de ce pauvre diable de Villon, menacé lui, non de perdre un empire par la conquête, mais de perdre tout ce qu’il possédait, la vie, sur un gibet.

Villon, devançant le monologue d’Hamlet, moralise sur les débris que l’homme laisse après la mort :


Quand je considère ces têtes
Entassées en ces charniers.
Tous furent maîtres des requêtes
Au moins de la chambre aux paniers.
Ou tous furent porte-paniers.

Et icelles qui s’enclinoient
Unes contre autres en leur vie.
Desquelles les unes régnoient,
Des autres craintes et servies;
Là les voys toutes assouvies
Ensemble en un tas peste-mesle.
Seigneuries leur sont ravies.
Clerc ni maître ne s’y appelle.


Nazahualcoyotl disait dans le même siècle que Villon :

« La poudre infecte dont les caveaux sont remplis jadis était ossemens et cadavres; ces cadavres furent des corps animés qui, assis sous le dais, présidaient des assemblées, commandaient des armées, conquéraient des royaumes, possédaient des trésors, etc.»

La ressemblance n’est pas moins frappante entre une pièce où Villon invoque le souvenir des hommes illustres qui ont passé, et termine chaque strophe par ce refrain :


Mais où est le preux Charlemagne?


et les vers que l’empereur mexicain a composés dans la même pensée :

« Si je vous demandais où sont les os du puissant Achalchicihtlanextzin,