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Cette leçon que la tourterelle donne aux époux, la huppe la donne aux enfans, et mieux que l’homme elle accomplit un des plus beaux préceptes de la loi divine : Père et mère honoreras. Lorsque ses parens ne peuvent plus ni voir ni voler, et que, glacés par la vieillesse, ils restent immobiles dans leur nid, la huppe prend soin de les nourrir ; elle les débarrasse de leurs vieilles plumes, les réchauffe doucement sous ses ailes, leur apporte une nourriture abondante, et leur dit avec tendresse : « Cher père et chère mère, autrefois vous avez pris soin de nous ; aujourd’hui que vous ne pouvez vous suffire, ne vous inquiétez pas, nous vous rendrons service pour service. — Seigneur, ajoute le trouvère, vous nous donnez par ces miracles de la nature un grand enseignement ; mais hélas ! l’homme est si pervers, qu’il ne profite pas de cette leçon de l’oiseau, et cependant l’homme se vante de son intelligence[1]. »

La salamandre, qui ne craint point l’ardeur des brasiers les plus ardens, et qui passe dans les flammes sans en être brûlée, nous enseigne a éteindre le feu de la luxure. L’autruche, qui oublie ses oeufs dans le sable pour contempler son étoile, nous apprend à tourner vers le ciel toutes nos pensées. Quand les fourmis vont trottant dans les champs pour amasser leurs provisions, elles distinguent avec un instinct merveilleux l’orge, le seigle, l’avoine et le froment, et c’est toujours le froment qu’elles emportent ; puis, avant de l’entasser dans leurs greniers, elles ont soin d’en fendre les grains, d’en enlever toutes les parties gâtées, et par cette sage conduite elles nous montrent que l’homme doit toujours s’appliquer à séparer l’ivraie du bon grain, c’est-à-dire à discerner le mal et le bien, et à retrancher de son âme toutes les parties gâtées, c’est-à-dire les vices qui la corrompent et la perdent pour l’éternité. — Plus rusé que la fourmi, le hérisson, lorsqu’il va chercher sa nourriture dans les vignes, remarque celles qui portent les plus beaux raisins, et il fait si bien, qu’il monte sur les ceps pour faire tomber les grains les plus mûrs. Il descend ensuite avec précaution, se route par terre, pique les raisins avec ses dards, ses brochettes, dit Guillaume, et quand il s’en est chargé au point de ressembler à une grappe énorme, il retourne tout joyeux dans son trou et se repaît à loisir. Ce hérisson maraudeur est l’image du diable, qui vendange dans les âmes lorsque les hommes ne font pas bonne garde autour de leur vigne spirituelle[2].

Les sirènes, qui sont tout à la fois femmes, oiseaux et poissons, chantent si doucement, que les matelots s’endorment à leurs chansons, et lorsqu’ils sont bien endormis, les sirènes montent sur leur bateau

  1. Le Bestiaire divin, c. X, De la Hupe
  2. Ibid., c. XVI, de Hériçon.