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établissemens fondés par les Espagnols, le seul peut-être qui n’ait pas dégénéré depuis la révolution, bien qu’il ait perdu dans Del Rio un minéralogiste estimé en Europe.

Pour être juste avec le Mexique, il faut citer tout ce qui peut faire honneur au développement intellectuel du pays. C’est ce qui m’engage à parler de quelques écrivains qu’il a produits. On a publié, sous le titre de Bibliotheca Mericana, en deux gros volumes, le catalogue des livres écrits au Mexique. Là se trouvent indiqués, parmi beaucoup de traités sur la théologie, un certain nombre de travaux importans sur les langues, les populations mexicaines et sur l’histoire du pays. Sahagun, Torquemada, l’infortuné Botlurini, dans ces derniers temps Bustamente, Gama et M. Alaman ont fait beaucoup pour les éclaircir. Je ne parle pas ici de ces travaux scientifiques, je m’attache à ce qui est plus proprement littéraire. On cite pour l’époque antérieure au XIXe siècle une religieuse mexicaine, Inez de la Cruz, dont les poésies ont été publiées sous ce titre : Par la dixième Muse. Il faut mentionner aussi l’évêque de Puebla, Palafox, adversaire ardent des jésuites, l’Arnauld du Mexique, dont Arnauld lui-même raconte avec complaisance les combats contre l’ennemi commun. Auteur de plusieurs ouvrages mystiques, il composa, ce qui est assez étrange, une histoire de la conquête de la Chine par les Tartares. Les jésuites ont eu aussi au Mexique leur écrivain, ce fut Siguenza-y-Gongora, qui, au XVIIe siècle, célébra les merveilles de la nature tropicale en latin, dans cette langue qui offrait un lien aux beaux esprits des deux mondes; il étudia les antiquités, et mathématicien en même temps qu’il était poète et archéologue, écrivit, avant Bayle, contre la crainte superstitieuse des comètes.

J’ai déjà parlé de M. Carpio, dont je regrette de ne pouvoir citer davantage. Son poème sur le Mexique est écrit en très beaux vers et bien supérieur à celui qu’a publié sur le même sujet Balbuena. Dans ce siècle ont paru deux ouvrages consacrés à peindre, au point de vue satirique, les mœurs mexicaines; le premier en date est un roman intitulé El Periquillo Sarniento, par Fernand de Lizardi. C’est le Gil Blas du Mexique, mais bien inférieur à son modèle. L’auteur a imité les romans picaresques de l’Espagne. C’est plutôt un roman leperesque, un roman de gueux, comme Lazarille de Tormes, mais en général sans verve, sans invention, sans comique, et ne relevant point par l’enjouement et l’imagination la bassesse des tableaux. L’auteur moralise beaucoup et dégoûte un peu; il est trop froid pour être amusant, et souvent trop ignoble pour plaire. Le morceau suivant peut donner une idée de la manière de l’auteur quand il tombe sur un ridicule réel de ses compatriotes et qu’il en