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pays, on en cite deux, celle de Birchills, appartenant au duc de Devonshire, et celle de Stauton, exploitée par son propriétaire, M. Thornhill, toutes deux situées près de Bakewell. La ferme de Birchills a 120 hectares, et celle de Stauton 160. Ces deux fermes sont au nombre des plus grandes que renferme le comte. Beaucoup d’autres n’ont que 20 ou 30 hectares, et si le Derby est un pays de grande propriété, la moyenne et la petite culture y dominent. Les terres du duc de Rutland notamment sont toutes divisées en petites fermes. En somme, cette montagne, que la nature avait faite si improductive, est une des plus heureuses parties de l’Angleterre. L’industrie et l’agriculture y sont dans une juste balance. À ces deux branches de revenu viennent se joindre les dépenses de luxe qu’entraînent des résidences ducales, et le tribut que paient tous les ans à la beauté des sites les voyageurs et les baigneurs de Matlock. La grande propriété et la petite culture se combinent dans une harmonieuse association et se présentent toutes deux avec leurs avantages, la première en modérant le taux des rentes et en multipliant les dépenses utiles, la seconde en augmentant par le travail le produit brut du sol. La population est nombreuse, puisqu’elle ne compte pas moins d’une tête humaine par hectare, et aucune classe ne parait souffrir, même depuis la baisse des prix. Le salaire moyen, ce signe caractéristique de la prospérité d’un pays, est de 2 fr. 25 cent, par jour.


II

La région du nord, la dernière qui nous reste à parcourir avant de quitter l’Angleterre proprement dite, s’ouvre par le comté de Lancastre et le West-Riding du comté d’York. Tout prend ici des proportions colossales. Le comté de Lancastre n’a qu’une étendue de 450,000 hectares, et il contient une population de plus de 2 millions d’âmes, près de cinq têtes humaines par hectare. C’est le sud qui est la partie la plus industrielle et la plus peuplée ; le port de Liverpool et la grande cité manufacturière de Manchester le couvrent tout entier de leurs ramifications. S’il n’y a pas au monde de contrée plus productive, il n’en est pas non plus de plus triste. Qu’on se figure un immense marais resserré entre la mer et les montagnes, une argile tenace à sous-sol imperméable partout revêche à la culture ; qu’on y ajoute le climat le plus sombre, une pluie perpétuelle, un vent de mer froid et constant, et de plus une épaisse fumée voilant le peu de jour que laisse échapper le brouillard, une couche de poussière noire couvrant partout la terre, les hommes et les habitations, et on aura l’idée de ce pays étrange, où l’air et le sol ne semblent qu’un même mélange de charbon et d’eau. Telle est cependant